À l’heure où nous terminons ce numéro de
Billets d’Afrique, les médias ont annoncé une
attaque à Ouagadougou qui a ciblé l’ambassade
de France au Burkina Faso ainsi que l’État-major des
armées du pays. Le ministre de la Sécurité burkinabè a
avancé l’hypothèse que l’attaque visait une réunion de
la force G5 Sahel, dernier paravent africain en date
des velléités militaires françaises dans la région. Rap
pelons que l’indépendance de cette force est telle que
Macron avait annoncé avant même son élection qu’il
la « réunirai[t] le plus rapidement possible » (Billets
n°269, juillet 2017). Le 15 janvier
dernier, c’est la ministre française
des Armées, Florence Parly, qui
« réuni[ssait] ses homologues de
la force militaire conjointe des
pays du G5 Sahel » (RFI, 15/01).
Cette attaque, aussitôt qualifiée
de « terroriste » au vu de l’identité du groupe qui l’a revendiquée,
était véritablement dirigée contre
une cible militaire, en s’en prenant conjointement à la
France et à l’armée burkinabè. L’habituelle proximité
des ambassades françaises avec les lieux de pouvoir
des pays françafricains facilite d’ailleurs les choses
pour ces groupes armés.
Ce mois-ci, grâce à cette proximité, les représentants de la France au Tchad n’ont donc pas pu manquer de constater la répression qui s’est encore
abattue sur les manifestant.es protestant contre le dictateur Idriss Déby et ses dernières mesures austéritaires. L’éternel ami de la France a une nouvelle fois
mis à profit le prétexte de la lutte contre le terrorisme
pour interdire toute manifestation, emprisonner par
centaines, suspendre des partis d’opposition... Nul
doute que les formations dispensées en octobre der
nier par les CRS français à leurs homologues tchadiens ont été bien utilisées.
Au-delà de l’immoralité, le soutien français à Déby
comme aux autres dictateurs est aussi irrationnel pour
ce qui est de la sécurité. Bien plus que l’idéologie religieuse, la pauvreté et l’absence de perspectives de
changement restent les moteurs de recrutement principaux des « groupes terroristes ». En continuant de
renforcer ainsi des régimes vampires qui drainent
leurs propres peuples, comment imaginer que les colères ainsi générées de se retourneront pas d’une manière ou d’une autre contre le bloc que forme depuis
des décennies la France avec ces pouvoirs autoritaires ?
Mais ce qui est vrai avec les dictatures risque aussi
de se vérifier avec les « démocraties » néolibérales, comme celles
qu’on trouve majoritairement en
Afrique de l’Ouest. Ainsi, l’économiste sénégalais Ndongo Samba
Sylla, reçu ce mois-ci en tournée
dans les groupes locaux de Survie, anticipe une radicalisation
des luttes contre ces « alternances » qui ont supplanté les
dictatures sans amener de meilleures conditions matérielles. Face à cette démocratisation de l’exploitation, les réactions populaires pourraient prendre des
chemins progressistes mais aussi sombrer dans des récupérations ethniques ou religieuses fondamentalistes.
En parallèle, le combat africain contre le Franc
CFA prend de l’ampleur et Ndongo Sylla anticipe que
d’autres aspects de l’impérialisme français pourraient
aussi en faire les frais. Entre les dirigeants militaires
biberonnés au colonialisme et les entreprises shootées aux taux de profits records réalisés sur le continent, une quelconque moralisation des relations
entre l’État français et ses anciennes colonies est bien
peu probable. La chute pourrait être brutale. Seule
l’orientation des luttes en Afrique et en France pour
rait changer la donne pour les peuples.