Survie

Première condamnation définitive d’un génocidaire

Crédit photo CC Julien Moisan
rédigé le 4 juin 2018 (mis en ligne le 28 juin 2018) - Laurence Dawidowicz

Le Rwandais Pascal Simbikangwa est désormais définitivement condamné par la justice
française à 25 ans de prison pour sa participation au génocide contre les Tutsi au Rwanda en
1994. La cour de Cassation vient en effet, le 24 mai, de rejeter son pourvoi. Le procès de cet
ancien capitaine a été rendu possible en France en vertu de la compétence universelle pour
les crimes les plus graves, dont le crime de génocide.

Cet ancien officier de la garde présiden­tielle rwandaise s’était reconverti dans
la police politique après un accident qui
l’avait cloué dans un fauteuil roulant en
1986. Il avait été reconnu coupable en pre­mière instance puis en appel d’avoir organisé
des barrages routiers au passage desquels
étaient filtrés et exécutés des Tutsi, mais aussi
d’avoir donné des instructions et fourni des
armes aux miliciens Interhamwe qui tenaient
ces barrages.
Pascal Simbikangwa a toujours nié les faits,
minimisant son rôle et sa compréhension des
massacres à l’époque. Il avait notamment affir­mé avoir traversé le génocide sans avoir vu un
seul cadavre...puis en avoir vu... un seul. Ses
avocats avaient dénoncé un « procès poli­tique » ; certains des témoins qu’ils avaient fait
citer étaient venus à la barre mettre en doute
la fiabilité des témoignages de Rwandais, ar­guant soit qu’ils avaient participé au génocide
(et étaient prêts à mentir dans le sens de l’ac­cusation pour voir leur peine de prison ré­
duite) soit qu’ils étaient rescapés... ce qui
semblait douteux, si ce n’est suspect.
Devant la Cour de cassation ­ qui se pro­nonce sur le respect des règles de droit ­ , la
défense de ce génocidaire a soulevé dix ques­tions, notamment le fait que la Cour d’Assises
ne s’était pas transportée sur les lieux et le fait
que le récit des audiences avait été relaté sur
le site internet d’une association partie civile
au procès, violant ainsi, selon la défense, la
présomption d’innocence et tentant d’influen­cer de ce fait les jurés. La Cour de cassation a
rejeté tous les arguments présentés rendant
ainsi définitive la condamnation.
Il s’agissait certes du procès d’un homme
mais, par­-là, la justice française reconnait pour
la première fois l’existence même du génocide
des Tutsi du Rwanda en 1994 selon les critères
particuliers du droit pénal français, qui consi­dère que ce crime est commis en exécution
d’un plan concerté. L’existence de ce dernier a été déduit :

  • ­ « de la rapidité d’exécution des mas­sacres »,
  • ­ « de l’existence de barrières sur l’en­semble du territoire »,
  • ­ « du développement d’une propagande médiatique appelant à la haine intereth­nique »,
  • ­ « de la distribution d’armes »,
  • ­ « de l’ampleur des massacres »
    Il s’agit bien selon la justice française d’un
    « ensemble d’actes relevant nécessairement
    d’une organisation collective
     ». La Cour, en
    particulier en appel, avait très méticuleuse­
    ment procédé, ne laissant aucune faille pour la
    cassation.
    En 2014, ce premier procès avait été salué
    à son ouverture par les avocats des parties ci­viles comme essentiel pour mettre fin à l’im­punité des crimes commis contre les Tutsi du
    Rwanda. Hasard du calendrier : la confirma­tion du verdict, désormais considéré comme
    définitif, est intervenue alors que se déroule
    du 2 mai au 6 juillet le procès en appel d’Octa­vien Ngenzi et Tito Barahira
    , deux anciens
    bourgmestres rwandais condamnés il y a deux
    ans à la réclusion criminelle à perpétuité pour
    « génocide et crimes contre l’humanité ». Ce
    procès en appel porte donc à trois, seulement,
    le nombre de Rwandais accusés de génocide
    traduits en justice en France, 24 ans après les
    faits. La confirmation de la préméditation des
    massacres, affirmée dans la condamnation définitive de Pascal Simbikangwa et qui bat en
    brèche différentes thèses négationnistes sug­gérant un « génocide spontané », est un des
    enjeux de ce procès en appel.
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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 278 - juin 2018
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