Une nouvelle année, c’est un peu comme un début de mandat présidentiel : on se prend parfois
à imaginer que des choses vont évoluer. Puis, à
l’instar des promesses électorales qui n’engagent que
ceux qui les croient, ces espoirs s’évanouissent. Prenez
par exemple la bonne résolution prise il y a an dans
cette équipe de rédaction de mieux tenir nos échéances,
d’adresser ce journal en début de mois à nos abonné.e.s.
C’était séduisant comme une promesse de « rupture »,
comme un engagement de « changement », comme un
défi de « nouveau monde » : des naïfs y ont peut-être cru
tout de suite, les optimistes ont voulu y croire, les sceptiques et les incrédules ont attendu de voir. On connaît
la suite : Billets d’Afrique n’a pas
paru de façon plus régulière en
2018 qu’en 2017, tout comme le
« nouveau monde » macroniste
s’est échoué sur les récifs de
l’ancien.
Pour sortir de la « crise des
gilets jaunes », Emmanuel Macron a lancé le « grand débat » : on y causera démocratie pour parler de « quotas »
de migrants mais sans évoquer le contrôle de l’exécutif
par le pouvoir parlementaire, ni bien sûr le contrôle des
différents pouvoirs par une presse libre et indépendante, débarrassée qu’elle devrait être de toute menace
de censure et de « secret des affaires ». Une consultation qu’on nous dit « sans précédent » dans la Vème République, qui n’en tremble pas pour autant, mais l’histoire ne regorge-t-elle pas de changements visant à ce que
rien ne change ? De la consultation de ces braves indigènes qu’on intégra en 1958 à la « Communauté française » aux élections frauduleuses récentes en passant
par les indépendances factices puis par les conférences
nationales (que notre pays aida à saborder dans « son »
pré carré) au début des années 1990, la Françafrique
fournit à elle seule son lot d’exemples. En 1998, la coopération a été réformée pour mieux se couler dans les
habits du Quai d’Orsay, qui continue d’envoyer gendarmes et autres militaires soutenir des régimes alliés, à
l’instar de l’ami Déby aujourd’hui. En 2015 l’Elysée a
même réussi le tour de force d’ouvrir ses archives sur le
Rwanda pour qu’elles restent fermées. On peut donc
craindre que les prochaines annonces, pour le 25ème
anniversaire du génocide des Tutsi du Rwanda, visent
plus à tourner à une page qu’à en dévoiler les lignes
manquantes. Et en ce mois de janvier, comment s’étonner que le Quai d’Orsay s’empresse de « prendre note
des résultats promulgués » en République Démocratique
du Congo, où l’alternance au pouvoir est celle qu’a
connue la Russie en 2008 ? Tel un Poutine des Grands
Lacs, Joseph Kabila vient d’adouber son propre Dimitri
Medvedev, en la personne d’un
opposant opportuniste qui a
saisi la chance que lui refusaient
les urnes de devenir président.
Tout change pour que rien ne
change, la pilule est amère pour
bien des Congolais.
Alors, à la lueur de la nouvelle année, où est l’espoir ? Pour une partie des Gabonais, il fut, quelques
heures durant, dans les locaux de la radio nationale,
d’où la poignée de protagonistes d’un éphémère putsch
lancèrent sur les ondes le message d’un ras-le-bol qui atteint désormais les soldats de la garde présidentielle.
Mais rien n’a changé, pour le moment : l’espoir se niche
dans les luttes populaires. Du Burkina Faso, où la voix
de la jeunesse continue de tonner quatre ans après l’insurrection qui balaya la dictature, à la Kanaky, où le courant indépendantiste se renforce et se revitalise, en
passant par le Sénégal et tout de même le Gabon et la
RDC, où une population et une société civile mobilisées
depuis des mois n’ont pas dit leur dernier mot. Autant
de signaux qui donnent envie d’être optimistes. Et si à
côté, Billets d’Afrique continue de paraître de façon irrégulière, ce sera, nous l’espérons, un moindre mal dans
ce qui pourrait tout de même être une bonne année.