Survie

Si rien ne change

rédigé le 23 janvier 2019 (mis en ligne le 26 janvier 2019) - Thomas Noirot

Une nouvelle année, c’est un peu comme un dé­but de mandat présidentiel : on se prend parfois à imaginer que des choses vont évoluer. Puis, à l’instar des promesses électorales qui n’engagent que ceux qui les croient, ces espoirs s’évanouissent. Prenez par exemple la bonne résolution prise il y a an dans cette équipe de rédaction de mieux tenir nos échéances, d’adresser ce journal en début de mois à nos abonné.e.s. C’était séduisant comme une promesse de « rupture », comme un engagement de « changement », comme un défi de « nouveau monde » : des naïfs y ont peut­-être cru tout de suite, les optimistes ont voulu y croire, les scep­tiques et les incrédules ont attendu de voir. On connaît la suite : Billets d’Afrique n’a pas paru de façon plus régulière en 2018 qu’en 2017, tout comme le « nouveau monde » macroniste s’est échoué sur les récifs de l’ancien.
Pour sortir de la «  crise des gilets jaunes  », Emmanuel Macron a lancé le « grand dé­bat » : on y causera démocratie pour parler de « quotas » de migrants mais sans évoquer le contrôle de l’exécutif par le pouvoir parlementaire, ni bien sûr le contrôle des différents pouvoirs par une presse libre et indépen­dante, débarrassée qu’elle devrait être de toute menace de censure et de « secret des affaires ». Une consultation qu’on nous dit « sans précédent » dans la Vème Répu­blique, qui n’en tremble pas pour autant, mais l’histoire ne regorge­-t­-elle pas de changements visant à ce que rien ne change ? De la consultation de ces braves indi­gènes qu’on intégra en 1958 à la « Communauté fran­çaise » aux élections frauduleuses récentes en passant par les indépendances factices puis par les conférences nationales (que notre pays aida à saborder dans « son » pré carré) au début des années 1990, la Françafrique fournit à elle seule son lot d’exemples. En 1998, la co­opération a été réformée pour mieux se couler dans les habits du Quai d’Orsay, qui continue d’envoyer gen­darmes et autres militaires soutenir des régimes alliés, à l’instar de l’ami Déby aujourd’hui. En 2015 l’Elysée a même réussi le tour de force d’ouvrir ses archives sur le Rwanda pour qu’elles restent fermées. On peut donc craindre que les prochaines annonces, pour le 25ème anniversaire du génocide des Tutsi du Rwanda, visent plus à tourner à une page qu’à en dévoiler les lignes manquantes. Et en ce mois de janvier, comment s’éton­ner que le Quai d’Orsay s’empresse de « prendre note des résultats promulgués » en République Démocratique du Congo, où l’alternance au pouvoir est celle qu’a connue la Russie en 2008 ? Tel un Poutine des Grands Lacs, Joseph Kabila vient d’adouber son propre Dimitri Medvedev, en la personne d’un opposant opportuniste qui a saisi la chance que lui refusaient les urnes de devenir président. Tout change pour que rien ne change, la pilule est amère pour bien des Congolais.
Alors, à la lueur de la nouvelle année, où est l’es­poir ? Pour une partie des Gabonais, il fut, quelques heures durant, dans les locaux de la radio nationale, d’où la poignée de protagonistes d’un éphémère putsch lancèrent sur les ondes le message d’un ras­-le­-bol qui at­teint désormais les soldats de la garde présidentielle. Mais rien n’a changé, pour le moment : l’espoir se niche dans les luttes populaires. Du Burkina Faso, où la voix de la jeunesse continue de tonner quatre ans après l’in­surrection qui balaya la dictature, à la Kanaky, où le cou­rant indépendantiste se renforce et se revitalise, en passant par le Sénégal et tout de même le Gabon et la RDC, où une population et une société civile mobilisées depuis des mois n’ont pas dit leur dernier mot. Autant de signaux qui donnent envie d’être optimistes. Et si à côté, Billets d’Afrique continue de paraître de façon ir­régulière, ce sera, nous l’espérons, un moindre mal dans ce qui pourrait tout de même être une bonne année.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
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