Survie

Cours de récupération politique

(mis en ligne le 2 mars 2020) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

Invitée sur France Inter le 11 février, Marine Le Pen a affirmé avoir été « l’une des premières à condamner de la manière la plus virulente la Françafrique (...) la France n’a strictement rien à voir là-dedans une fois de plus, ce sont les dirigeants français qui sont condamnables et responsables de leurs actes et de leurs choix, il y a eu effectivement par le passé des politiques qui ont visé à aller se servir en quelque sorte en Afrique. Est-ce que ce sont ces politiques qui sont les responsables des grandes migrations aujourd’hui ? Je n’en suis pas tout à fait sûre, ce que je pense c’est surtout que ces migrations se déploient parce que nos dirigeants politiques les encouragent. Ils incitent à ces très grandes migrations. (…) Et pour être tout à fait honnête, je pense qu’il faut que la France mène une politique de co-développement avec l’Afrique pour fixer les populations dans leur pays d’origine ». Condamnation virulente vous disiez ?

Réaffirmons d’abord que si la Françafrique a été portée dans le débat public et condamnée c’est uniquement grâce à l’engagement historique de personnes et d’associations, en particulier Survie, qui ont développé un socle d’analyses et de connaissances très solide et approfondi, et que cette analyse n’a jamais été mise au service d’un rejet des migrations et des migrants. Se réclamer de la condamnation de la Françafrique pour ensuite condamner les migrations c’est purement et simplement une entreprise de récupération politique.

Laissons maintenant de côté les grands discours de Mme Le Pen et allons d’abord regarder le programme du Rassemblement national : il y est question de rendre à la France son rôle de puissance, de renforcer son armée et sa politique de défense, de renforcer l’aide au développement en direction des pays africains, de réaffirmer le lien indissoluble entre la France et l’Outre-mer. On a beau chercher, on ne lit aucun signe annonciateur d’une réelle rupture avec la Françafrique. Allons ensuite regarder du côté des actes : Marine Le Pen a eu « la grande joie de pouvoir rencontrer le président Déby » au Tchad pendant la campagne présidentielle française de 2017, un dictateur qui tient son pays d’une main de fer, avec le soutien de la France, et que Le Pen a salué et qualifié d’un « homme sage, un homme lucide ». CQFD. C’est bien le souci avec les belles paroles à la radio, elles ne résistent pas longtemps à la confrontation avec les actes et les écrits.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 284 - février 2019
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