Survie

Black Earth Confusing

rédigé le 26 avril 2019 (mis en ligne le 9 mars 2020) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

La série « Black Earth Rising », actuellement diffusée sur Netflix, met en scène une rescapée tutsie du génocide commis au Rwanda en 1994, qui découvre, après moult péripéties qui nous conduisent dans les arcanes de la justice pénale française et internationale, qu’elle est en fait hutue et qu’enfant, elle a survécu à un massacre commis par l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR) au Zaïre, trois ans après le génocide des Tutsis. Ce retournement de situation évoque de prime abord la propagande négationniste de ceux qui prétendent révéler « l’histoire secrète », ou encore « the untold story » du génocide, en finissant par faire du FPR le responsable de l’extermination des Tutsis parce qu’il aurait abattu l’avion du président Habyarimana et ainsi provoqué les tueries, avant de commettre lui-même un génocide des Hutus. Rien de tel dans la série qui n’opère aucun renversement des responsabilités du génocide perpétré contre les Tutsis et ne porte aucune accusation de génocide contre le FPR. On peut cependant regretter que soit pris pour argent comptant le chiffre extravagant de six millions de morts au Congo (cf. Michel Galy « Polémique sur les massacres », Le Monde Diplomatique, janvier 2014). Ajoutons que le coup de théâtre final n’aide guère le spectateur à s’y retrouver dans un scénario qui produit déjà un certain malaise car il prétend à la vraisemblance historique tout en inventant un Rwanda actuel présidé par une femme ou un prétendu assassinat d’un prêtre français à la fin du génocide, faussement attribué au FPR par des militaires français. Ce dernier épisode, grotesque, permet toutefois à l’héroïne d’exprimer avec force que l’opération Turquoise était en fait destinée à sauver les génocidaires en déroute. Si la série embrouille davantage qu’elle n’instruit, elle ne franchit à aucun moment la ligne rouge, à la différence de son actrice principale, qui a pu parler à Télérama d’un « génocide au Congo » et déclarer qu’ «  il est très difficile de trouver des témoignages définitifs, qui permettent de savoir sans l’ombre d’un doute ce qui s’est vraiment passé ». Une actrice visiblement piégée elle-même par la confusion que nourrit la série.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 285 - mars-avril 2019
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