Le 17 février dernier, sur le site de l’association France-Turquoise dont il est le président fondateur, le général Lafourcade signait un communiqué au titre involontairement ironique : « Une exigence de vérité ».
Il y affirmait que « seuls deux membres du gouvernement intérimaire rwandais [GIR] ont transité par la zone Turquoise du 16 au 17 juillet avant de passer d’eux même au Zaïre » : Théodore Sindikubwabo, président par intérim de la République rwandaise, et Jérôme Bicamumpaka, ministre des affaires étrangères. Il ajoutait que « ce sont de simples personnalités isolées et sans influence, une d’entre elles ayant été blanchie par le TPIR » et qu’il « est donc faux d’affirmer que le Gouvernement intérimaire rwandais est passé par la zone Turquoise. »
Pourtant, le 15 juillet 1994 l’ambassadeur Gérard écrivait, dans deux télégrammes envoyés au quai d’Orsay, que ce même général Lafourcade l’avait informé que « le président et le premier ministre apparemment » s’étaient réfugiés dans la zone humanitaire sûre (ZHS), puis « que la reconstitution du gouvernement intérimaire à Cyangugu se précis[ait] »...
Oubliant donc ses propres paroles, Lafourcade n’a pas non plus tenu compte de la note d’Hervé Ladsous, représentant de la France au Conseil de sécurité, écrite ce même 15 juillet au président du Conseil de sécurité indiquant que « la présence du "Président" du "Gouvernement intérimaire" du Rwanda et de quatre de ses "ministres" a été constatée à Cyangugu dans la zone humanitaire sûre du sud-ouest du Rwanda. »
Sa prétendue « exigence de vérité » l’a encore moins amené à relire la déposition au TPIR en 1998 du Premier ministre Jean Kambanda, où il déclarait être lui-même passé en ZHS accompagné de son ministre de la défense. Kambanda y précisait que sept autres ministres se trouvaient avec lui à Bukavu, ce qui signifie qu’ils sont nécessairement passés dans la ZHS.
Rappelons que selon le numéro d’octobre 1994 du mensuel de la Légion étrangère, Képi blanc, l’état-major tactique du groupement sud de Turquoise a même « provoqué et organisé » leur évacuation au Zaïre le 17 juillet.
Parmi ces « personnalités isolées et sans influence » on retrouve donc pas moins que le Président rwandais par intérim, son Premier ministre et huit ministres de ce gouvernement génocidaire (dont ceux de la Défense, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice) qui sont assurément passés à la mi-juillet 1994 par la ZHS. Parmi les sept qui ont été jugés quatre ont été condamnés à perpétuité et une à 47 ans de prison.