L’adaptation cinématographique d’une oeuvre littéraire est par essence un exercice difficile : comment rivaliser sans décevoir, avec la puissance évocatrice des mots ? Lorsqu’en plus on traite d’évènements dramatiques réels, l’entreprise devient carrément périlleuse, car aux obstacles habituels vient s’ajouter celui de la mémoire des victimes qu’il ne faudra pas trahir. Le réalisateur Atiq Rahimi a voulu transposer à l’écran Notre dame du Nil le beau roman de Scholastique Mukasonga, dans lequel elle décrivait avec subtilité les relations tendues entre les jeunes pensionnaires Hutu et Tutsi d’une institution catholique dans la période précédant les massacres de Tutsis de 1973. Le film sorti début février n’y est pas parvenu. Sans doute Atiq Rahimi aura-t-il principalement péché par évitement : ne voulant pas faire de la violence un spectacle, il traite son sujet comme une parabole. Mais par ce biais, il échoue tout autant à dépeindre les ressorts psychologiques de ses personnages qu’à expliquer le contexte politique. Ce faisant, il prend le risque - dangereux sur un tel sujet - de perdre son public : un spectateur non initié saisira-t-il que le mythe de l’origine « égyptienne » des Tutsi est une construction du colonisateur ou le prendra-t-il pour argent comptant ? Nul doute que le génocide des Tutsi du Rwanda n’est pas un sujet de cinéma comme un autre, car comme le dit Raoul Peck, dont le film Sometimes in April reste une référence : « On ne peut pas faire un film sur la violence et la laisser aseptisée tout le temps ».