Alors que l’armée nigérienne a essuyé des pertes importantes face aux mouvements djihadistes ces derniers mois, un audit au ministère nigérien de la Défense a provoqué un immense scandale dans le pays. Depuis l’arrivée au pouvoir de Mahamadou Issoufou, plusieurs centaines de milliards de francs CFA (plusieurs centaines de millions d’euros) destinés à l’armée auraient été détournés, notamment via des surfacturations et des fausses factures. Des cadres du PNDS, le parti d’Issoufou, dont les deux précédents ministres de la Défense, ainsi que des hommes d’affaires proches du pouvoir seraient impliqués. Loin de rassurer, les annonces du gouvernement ont jeté de l’huile sur le feu. Fin février, son porte-parole a en effet annoncé vouloir « faire rembourser les montants indûment perçus » (rfi.fr, 01/03) avant de transmettre le dossier à la justice, permettant ainsi aux corrompus d’échapper aux poursuites. La mobilisation des magistrats contre cette décision s’est rapidement étendue à d’autres organisations syndicales et associations de la société civile, qui ont appelé à faire du 15 mars une journée de manifestation contre la corruption, l’impunité et le pillage du pays. Mais les mesures d’exception prises dans le cadre de la lutte contre le coronavirus ont été utilisées pour décapiter les mouvements d’opposition et tenter d’étouffer le scandale. Le 13 mars, les rassemblements de plus de 1000 personnes ont été interdits. Les organisateurs qui avaient déjà déclaré le rassemblement et n’avaient pas reçu de notification d’arrêté d’interdiction, ont décidé de maintenir la mobilisation, qui a été violemment réprimée. Huit représentants d’associations et organisations syndicales (TLP, ROTAB, PCQVP, AEC, SYNACEB...), arrêtés à leurs domiciles et dont certains avaient déjà été emprisonnés pour des prétextes similaires en 2018, étaient toujours détenus arbitrairement mi-avril malgré les protestations de la FIDH, du CCFD, ou d’Amnesty qui dénonce un « climat de plus en plus délétère pour la société civile au Niger ».