On recherche activement le droit à l’autodétermination des peuples colonisés dans le débat public...
Apparu au début du XXe siècle, il a été formalisé
dans la Charte des Nations-Unies en 1945, qui reconnaît
dans son article 1 « le principe de l’égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ». Soyons
clairs, il ne s’agit pas d’un vibrant engagement des Etats en
faveur de l’autodétermination des peuples colonisés... A la
création de l’ONU, les colonies sont encore nombreuses
et plusieurs États membres de l’ONU sont colonisateurs.
Ce droit à l’indépendance n’a donc aucune valeur obligatoire mais l’Assemblée générale de l’ONU, plus égalitaire
dans son fonctionnement que le Conseil de sécurité, le
renforce en adoptant en 1960 la « Déclaration sur l’octroi
de l’indépendance aux pays et
aux peuples coloniaux ». De celle-ci découle ensuite la création du
comité spécial sur la décolonisation en 1962 pour suivre l’appli
cation de cette déclaration et la
liste officielle des territoires à décoloniser, sur laquelle
sont actuellement inscrites la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
Ne nous y trompons pas : la décolonisation est avant
tout le fruit des revendications d’indépendance des
peuples colonisés, mais l’inscription du droit à l’autodétermination dans le droit international donne aux mouvements indépendantistes un levier juridique, même très
restreint, et un lieu d’expression de leurs revendications.
Des années 1950 aux années 1970, cela contribue aussi à
faire entrer la question de l’autodétermination dans le débat public, puisque l’équation semble alors assez logique :
ce droit existe, des peuples le revendiquent et en sont privés, leurs revendications de disposer librement d’eux
mêmes sont donc entendables. On pense évidemment à
l’exemple de l’Algérie, mais aussi du Tibet, de la Palestine,
du Chiapas, qui suscitent de larges mouvements de sou
tien dans les pays occidentaux.
En revanche en France, une fois l’Algérie indépendante
et la Françafrique sur les rails, le sort des dernières colonies « d’Outremer » (Comores, Djibouti, et ce qui est resté l’Outremer actuel) ne crée pas beaucoup d’émois au
sein de la population. Néanmoins leur droit à l’autodétermination fait encore partie du débat politique. En 1972, le
programme commun du Parti socialiste et du Parti communiste affirme que « le gouvernement reconnaîtra le
droit à l’autodétermination des peuples des DOM et des
TOM ». En 1981, les 110 propositions du candidat Mitterrand contiennent celle-ci, déjà plus réservée : « Pour les
peuples de l’outremer français qui réclament un véritable changement, ouverture d’une ère de concertation et
de dialogue, à partir de la reconnaissance de leur identité et de leurs droits à réaliser leurs aspirations. ». Dans
les années 1980, les « événements » en Nouvelle-Calédonie ramène l’autodétermination sur le devant de la scène,
et certains débats politiques y font encore référence en ces
termes. Mais à partir de l’accord de Matignon en 1988, il
ne sera plus question
dans les paroles politiques
et médiatiques d’un
peuple colonisé luttant
pour son indépendance,
mais de « populations calédoniennes » dialoguant sur leur « destin ». 32 ans plus
tard, au lendemain du 2e vote sur l’indépendance le 4 octobre dernier, les médias majoritaires parlent d’une « société divisée » mais les raisons de la division ne sont
jamais nommées. Exit la situation coloniale.
Dans le reste des DOM-TOM, la décentralisation a remplacé l’autodétermination. L’État a cherché à étouffer les
revendications nationalistes de ces territoires, usant de divers moyens, le cas des enfants « transplantés » en France
depuis la Réunion en est un exemple.
Au sein de la population française, le soutien à l’auto
détermination des derniers peuples colonisés n’a plus le
vent en poupe. A part une poignée de militant.e.s français.es, qui connaît l’histoire coloniale de l’Outremer ?
Qui ose encore appeler la Guadeloupe, Mayotte, la
Guyane, la Polynésie française... des « colonies » ? Qui s’intéresse encore à la situation du Sahara occidental, à la répression subie par les Sahraouis et au soutien qu’apporte
la France au Maroc ? Preuve qu’il nous faut, aujourd’hui
plus qu’hier, lutter d’abord contre la colonisation des
esprits.