On se souvient qu’après son coup d’État dynastique de 2005, Faure Gnassingbé avait tenté de légitimer sa prise de pouvoir lors de l’élection présidentielle de 2010. Il avait alors bénéficié des prestations de l’agence de communication Euro-RSCG (aujourd’hui Havas), filiale de Bolloré, prestations en grande partie réglées par Bolloré Africa Logistics. Après la « réélection » de « Fraude » Gnassingbé, Bolloré avait obtenu la reconduction de la concession du port de Lomé dans des conditions très avantageuses. De la même manière, après l’élection d’Alpha Condé en Guinée, le groupe avait obtenu l’éviction du port de Conakry de l’entreprise Getma. A l’époque, la plainte pour corruption de cette dernière avait été classée par le procureur Jean-Claude Marin, qui n’en était plus à un scandale près. Aujourd’hui, seuls les faits présumés d’« abus de confiance » ne sont pas prescrits pour la Guinée, mais pour le Togo, Bolloré a bien été mis en examen pour corruption en 2018. Après avoir dénoncé des accusations « infondées », il a finalement choisi de plaider-coupable et de négocier la sanction avec le Parquet national financier (PNF). Son groupe a quant à lui bénéficié de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), qui permet aux entreprises, depuis la loi Sapin de 2016, de négocier une sanction sans avoir à reconnaître une culpabilité qui les priveraient des marchés publics. Le 26 février dernier, Bolloré comparaissait donc devant le tribunal de Paris. « La procédure d’homologation, comme ce fut le cas par le passé pour d’autres comparutions avec reconnaissance préalable de culpabilité présentées par le Parquet national financier (PNF), n’apparaissait que de pure forme », commente Le Monde (26/02). La CJIP a bien été validée, pour un montant « de 12 millions d’euros, ce qui correspond au double des profits estimés sur la durée de la concession », selon Mediapart (26/02). Pour la responsabilité personnelle de Vincent Bolloré, en revanche, coup de théâtre ! Après avoir fait confirmer à ce dernier qu’il reconnaissait bien sa culpabilité, la présidente de la chambre, Isabelle Prévost-Desprez, a refusé de valider la procédure de plaider-coupable et la simple amende de 375 000 euros (le maximum prévu, mais une broutille pour la 17e fortune de France) qui avait été négociée avec le PNF, expliquant entre autres que les faits « portent gravement atteinte à l’ordre public économique » car ils ont « porté préjudice à la souveraineté de l’État togolais en altérant le fonctionnement régulier de ses institutions ». Il appartient désormais aux juges d’instruction de renvoyer ou non Bolloré en correctionnelle. On croise les doigts…