Survie

Kanaky face à la 
prédation des ressources

Banderole pour la manifestation du 5 février 2021 devant le Haut-Commissariat à Nouméa, page Facebook du collectif Usine du Sud Usine Pays
rédigé le 15 décembre 2020 (mis en ligne le 5 février 2021) - Marie Bazin

Depuis décembre 2019, la reprise de l’usine Vale Nouvelle-Calédonie illustre la place stratégique du nickel en Kanaky, dans le contexte de l’accession à l’indépendance. Une offre de reprise locale soutenue par les indépendantistes a été écartée des négociations, entraînant une mobilisation massive contre le pillage et pour la souveraineté sur la ressource nickel.

Le nickel est indissociable de la trajectoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie. L’exploitation commence en 1873, 20 ans après la prise de possession par la France, et la première usine de transformation du minerai voit le jour en 1877. Dès cette époque, un premier boom du nickel attire des milliers de personnes. C’est le début de la colonisation de peuplement, d’une part avec les colons européens qui y construisent leur fortune (notamment la Société Le Nickel toujours prépondérante dans le nickel aujourd’hui), et d’autre part avec la main d’œuvre « importée » de gré ou de force pour faire tourner les mines. Après la deuxième guerre mondiale, la France accorde davantage d’autonomie à la Nouvelle-Calédonie, notamment dans le secteur minier, mais celui-ci profite toujours principalement aux fortunes coloniales. Au début des années 1960, l’État reprend la main : « Les intérêts géostratégiques de la France (les essais nucléaires en Polynésie française, l’importance du nickel pour l’industrie de l’armement en particulier) passent au premier plan et expliquent les lois Billote de 1969 lesquelles, entre autre, font du nickel un minerai stratégique géré depuis Paris. Le boom du nickel (1967-1972) est instrumentalisé politiquement par le gouvernement français qui voit dans le flux de migrations qu’il déclenche, une opportunité de noyer toute revendication autochtone dans les flots de l’immigration blanche [1] ».
Depuis, la compétence minière a été transférée progressivement aux institutions calédoniennes (et officiellement intégralement en 2000) mais l’État n’a jamais cessé d’y jouer un rôle, d’abord via la Société Le Nickel (SLN) filiale de l’entreprise française Eramet, et ensuite en s’immisçant dans la politique minière via des aides exceptionnelles à certaines entreprises ou des programmes de défiscalisation [2].
Ainsi le nickel est au cœur des débats sur l’indépendance, à la fois parce qu’il est un indicateur de l’autonomie du territoire et de la mainmise de l’État et parce que se réapproprier cette ressource fait partie du projet de pleine souveraineté des indépendantistes. Ils défendent une exploitation avec un actionnariat majoritaire des provinces calédoniennes, pour que celles-ci redeviennent propriétaires des titres miniers. La « doctrine nickel » adoptée par le FLNKS en 2015 s’articule autour de 3 axes : la maîtrise de la ressource, l’arrêt des exportations de minerai brut (la transformation du minerai sur place afin de générer des emplois et de la plus-value), l’objectif que les provinces calédoniennes deviennent majoritaires à 51% dans la SLN.
Actuellement, le nickel est exploité par 3 sociétés différentes : la SLN, société privée filiale de Eramet, dans laquelle les provinces calédoniennes possèdent 30% du capital ; la SMSP, dont l’actionnaire majoritaire est la Province Nord dirigée par les indépendantistes (à travers la Sofinor, sa société de financement et d’investissement) et Vale, groupe brésilien présent en Nouvelle-Calédonie depuis 2004.

Vale cherche repreneur

En décembre 2019, la société Vale NC annonce vouloir quitter le pays et revendre son site minier (usine, gisement). Implantée depuis 2004, l’usine n’avait été lancée qu’en 2009, après un long conflit avec les organisations coutumières locales et les associations environnementales, très inquiètes des risques de pollution. Le modèle industriel est alors d’extraire le nickel et de le raffiner sur place par des procédés chimiques, mais selon Vale, il est déficitaire. L’entreprise adopte une nouvelle stratégie début 2019 et la promeut auprès des repreneurs potentiels : transformer une partie du minerai sur place à destination des batteries de véhicules électriques et augmenter les exportations de minerai brut, bien que ce soit interdit par le code minier calédonien et contraire à la « doctrine nickel » défendue par les indépendantistes.
Début 2020, huit entreprises sont candidates à la reprise, dont la SMSP, l’entreprise de la province Nord. Elle dépose une offre en s’associant à l’industriel Korea-Zinc avec le montage financier suivant : la Sofinor deviendrait propriétaire à 56% et Korea-Zinc à 44% en apportant l’investissement financier. Cette offre de reprise vise à ce que l’usine du Sud revienne dans le giron public, pour en contrôler la stratégie et qu’elle finance le pays, sur un modèle semblable à celui de l’usine construite dans le Nord (voir encadré).
Mais tout va être fait pour écarter cette offre. A la manœuvre on retrouve différents acteurs, notamment le Français Antonin Beurrier, PDG de Vale NC, les partis anti-indépendantistes qui dirigent la province Sud, où se situe l’usine mise en vente, et l’État.

Le pari de la province Nord

En 1990, dans le cadre des accords de Matignon, la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP) est nationalisée et cédée à la Sofinor (Société de financement et d’investissement de la Province Nord). C’est le début du rééquilibrage des ressources minières au profit du Nord de l’archipel, à majorité kanak. La SMSP extrait et exporte du minerai brut, mais son but est de construire une usine métallurgique pour valoriser le minerai en métal. En 1998, au terme d’une longue mobilisation, le massif de Koniambo, propriété de la SLN, lui est cédé, ce qui la dote d’un gisement à fort potentiel.
La SMSP se met alors en quête d’un partenaire capable de faire l’investissement pour construire l’usine, mais à condition qu’elle reste actionnaire majoritaire du futur site industriel, considérant à juste titre qu’elle apporte la matière première indispensable, à défaut d’apporter les fonds. L’entreprise canadienne Falconbridge accepte ce partenariat, et la co-entreprise Koniambo Nickel-SAS est créée : possédée à 51% par la SMSP et à 49% par Falconbridge. La canadienne se porte garante du financement du projet tout au long de la construction de l’usine. Celle-ci débute en 2008 et l’usine est opérationnelle en 2013. Le projet total a finalement coûté 7 milliards de dollars, un budget entièrement assumé par le partenaire étranger : Falconbridge, rachetée par Xstrata Nickel en 2006, elle-même rachetée par Glencore en 2013.
Parallèlement, la SMSP établit un partenariat avec l’industriel sud-coréen Posco pour la construction d’une 2e usine, à l’étranger cette fois, dont elle est également majoritaire à 51%. La construction de l’usine de Gwangyang, en Corée du Sud, pour un coût total de 352 millions de dollars, est assumée par Posco, et l’usine entre en production en 2008, alimentée par le minerai calédonien. La Province Nord, à travers la SMSP, est donc actionnaire majoritaire de deux usines et propriétaire de la ressource, sans s’être endettée.

Premier épisode

En mai 2020, Vale NC choisit la junior australienne New Century Resources (NCR) pour signer un premier accord d’exclusivité, ce qui ouvre les négociations pour la reprise. C’est une jeune société minière, sans expérience dans le nickel, mais soutenue par des magnats dans le domaine minier en Australie et dans le monde, qu’Antonin Beurrier, le PDG de Vale, est allée solliciter directement. L’offre de la Sofinor n’est pas retenue.
De mai à août 2020, les négociations entre NCR, Vale NC et l’État vont bon train : il s’agit de dresser le montage financier de la reprise, mais aussi de commencer un lobbying pour faire évoluer la réglementation minière, afin d’autoriser l’augmentation des exportations de minerai brut, conformément à la nouvelle stratégie du groupe. C’est à ce moment-là que s’organisent les premières oppositions, d’abord portées par l’Instance Coutumière Autochtone de Négociation (ICAN) qui représente les chefs et organisations coutumières du Sud, puis par un collectif beaucoup plus large, appelé « Usine du Sud = Usine pays », qui rassemble notamment l’ICAN, le Sénat coutumier, la plupart des partis indépendantistes, le syndicat USTKE, des associations environnementales, la fédération des entrepreneurs kanak. Ce collectif organise de nombreux rassemblements et manifestations, dénonce le bradage des ressources et demande que l’offre de la Sofinor soit étudiée. Parallèlement, les partis indépendantistes au Congrès s’opposent à la modification du code minier proposée par le gouvernement calédonien (à majorité anti-indépendantiste) d’augmenter les exportations de minerai brut.
Début septembre 2020, le consortium New Century Resources renonce finalement à reprendre l’usine. Fin du premier épisode. À ce moment-là, la seule offre qui reste officiellement sur la table est celle de la Sofinor et Korea-Zinc et la mobilisation du collectif « Usine du Sud = Usine pays » ne faiblit pas. Mais la Kanaky Nouvelle-Calédonie est alors à la veille du 2e référendum d’autodétermination, et les différents acteurs en présence semblent s’accorder pour laisser passer le vote avant de poursuivre le dossier de la reprise de l’usine.

Deuxième épisode

Si certains font une trêve, d’autres continuent de manœuvrer en coulisses. Trois semaines après le référendum, le 21 octobre, le négociant suisse Trafigura dépose une offre de reprise auprès de Vale. Le 5 novembre, Antonin Beurrier annonce entrer en négociation exclusive pour un mois avec le nouveau consortium « Prony Resources » financé en majorité par Trafigura. Une nouvelle fois c’est Beurrier qui est allé démarcher « personnellement » Trafigura (La 1ère, 06/11/2020). L’offre de la Sofinor est écartée pour la 2e fois, prétendument incomplète. Mais, alors que New Century Resources puis Trafigura ont pu accéder au site de l’usine du Sud pour faire leur proposition finale, la Sofinor n’a jamais eu cette possibilité. Son offre préliminaire est classée en 2e position au printemps 2020, mais elle n’a jamais été autorisée à se rendre sur le site de l’usine (l’étape de la « Due diligence »), et n’a donc pas pu déposer sa proposition définitive. Ce qui permet opportunément de l’écarter...
Tout au long du mois de novembre, la mobilisation du collectif « Usine du Sud = usine pays » va prendre une ampleur très importante, autour du mot d’ordre « Trafigura dehors » : le syndicat USTKE appelle à plusieurs grèves générales, des collectifs locaux organisent le blocage de nombreuses routes, ainsi que des principaux sites miniers du pays, avec pour conséquence de mettre les usines de nickel quasiment à l’arrêt. Le collectif demande notamment que Vale traite les candidats à la reprise sur un pied d’égalité.
Les partis anti-indépendantistes, emmenés par Sonia Backès la présidente de la province Sud, se rangent derrière Vale, usant d’arguments fallacieux qui attisent les tensions : le chantage à l’emploi pour « sauver » les 3 000 emplois de l’usine à tout prix, et l’idée selon laquelle la Sofinor chercherait en réalité à mettre la main sur le nickel du sud. De son côté le FLNKS défend une reprise qui profiterait à l’ensemble du pays, notamment avec un actionnariat majoritaire partagé à égalité entre les 3 provinces calédoniennes (toujours avec l’industriel Korea-Zinc).
Alors que la mobilisation, fortement réprimée par les forces de l’ordre, monte encore d’un cran pendant la première semaine de décembre (le port autonome et le centre de Nouméa sont bloqués) l’industriel Korea-Zinc décide soudainement de retirer son offre. Dans les deux jours qui suivent, le 9 décembre, Vale signe la reprise avec le consortium « Prony Resources » et son principal investisseur Trafigura.

L’État partial

Il est important, à ce stade, de s’intéresser de plus près au rôle de l’État français. Alors qu’il devrait encourager le rééquilibrage de l’exploitation du nickel, conformément aux principes des accords de Matignon et Nouméa, et se féliciter de voir ce territoire – dont il affirme constamment qu’il est sous perfusion d’argent public français – augmenter ses capacités productives et d’autofinancement, il a agi à rebours du processus de décolonisation, en favorisant en coulisses le consortium mené par Trafigura, et ce dès le début.
L’offre de rachat a été déposée le 23 octobre par Trafigura, et son étude par l’État n’a pas traîné : un comité interministériel de restructuration industrielle s’est tenu à la fin du mois d’octobre, dont le but était « d’inscrire dans la Loi de finance les engagements financiers de l’État [pour ce projet de rachat], ce point devant être bouclé avant le 2 novembre, date limite pour la finalisation de l’accord.  » (La 1ère, 27/10/2020) Le fait que Vale Canada soit déjà débitrice d’une dette importante auprès de l’État, suite à un soutien exceptionnel en 2016 n’a pas freiné l’étude de la reprise [3]. L’accord d’exclusivité entre Vale et Trafigura a débuté le 5 novembre et a confirmé un engagement de l’État via un prêt de 22 milliards de CFP (franc pacifique), soit plus de 180 millions d’euros, et une promesse de défiscalisation.
Or exactement à la même période, Sébastien Lecornu, ministre des Outre Mer, était en visite officielle en Kanaky Nouvelle-Calédonie, une visite d’un mois à l’issue de laquelle il a réuni le 29 octobre une table-ronde exceptionnelle avec les partis indépendantistes et anti-indépendantistes pour une reprise du dialogue sur l’avenir institutionnel. L’occasion pour le mouvement indépendantiste de soulever une fois de plus cet enjeu de la reprise de l’usine du Sud et de souligner l’importance de travailler pour une « usine pays ». Des paroles qui apparaissent bien vaines a posteriori, puisqu’à cette date, si l’offre de Trafigura n’était pas encore connue publiquement, elle l’était déjà de Sébastien Lecornu et était sur le point de recevoir le soutien de l’État via ses garanties financières. On peut constater que le « dialogue » a pour le moins manqué de sincérité.
En parallèle, pour justifier le soutien à une offre plutôt qu’une autre, une note confidentielle d’experts du Trésor public, rédigée fin octobre à l’attention du ministère de l’économie et du ministère des outre-mer, considérait que l’offre de la Sofinor était « peu documentée », « confuse » et manquait d’un «  modèle financier approfondi  » (La 1ère, 03/11/2020), feignant d’ignorer que cette offre était préliminaire car la Sofinor n’avait jamais été autorisée à accéder au site de l’usine du Sud. Ce non-respect des règles de l’appel d’offres avait justement été porté à l’attention de l’État à plusieurs reprises entre septembre et début novembre [4].
Dans une lettre aux Calédoniens le 17 novembre, Daniel Goa, président de l’Union Calédonienne (membre du FLNKS) déplorait que l’État ait choisi de « reprendre la bonne vieille habitude coloniale de considérer la parole kanak pour quantité négligeable » et dans une lettre du 26 novembre il appelait le ministre à « assumer ses responsabilités (…) dans le processus de décolonisation en cours  ».
Quelques jours plus tard, l’industriel Korea-Zinc retirait subitement son offre de reprise, et si l’on en ignore les raisons, beaucoup s’interrogent sur les éventuelles pressions diplomatiques exercées par la France pour aboutir à ce résultat. On ne saura probablement jamais le fin mot de l’histoire à ce sujet. Mais ce qui est certain, c’est que l’État, s’il l’avait voulu, aurait eu les moyens de soutenir financièrement et politiquement un projet d’usine pays. Par le passé, il n’a pas hésité à mettre la main à la poche pour soutenir les entreprises du secteur nickel. Pour Trafigura, il lui a fallu moins d’une semaine pour valider les garanties étatiques. Ce dossier du rachat de Vale constitue une preuve supplémentaire que le soutien français est à géométrie variable et penche toujours vers ses propres intérêts (maintenir une tutelle ou faire obstruction à la pleine souveraineté).

Antonin Beurrier à la manœuvre

Le fait que Vale NC soit dirigé par un Français n’est pas anodin. Antonin Beurrier n’est pas n’importe quel quidam dans le secteur minier ni dans les milieux de l’outre-mer français. Enarque, il a longtemps fait des allers-retours entre le public et le privé, tantôt sous-préfet en Polynésie française ou fonctionnaire à l’inspection des finances, tantôt salarié de grands groupes privés. En 2007 il se rapproche du secteur minier et en 2011 il est nommé à la tête de Xstrata Nickel, ensuite racheté par Glencore, et partenaire de la SMSP pour l’usine du Nord. Il est ensuite recruté par Vale en 2014 pour diriger sa branche calédonienne mais il démissionne en 2016 suite à des soupçons de conflit d’intérêts au profit de sa propre entreprise de conseil Anamorphose SAS. Il devient alors président du groupe Aéroports de Paris (ADP) pour une courte période, puis reprend la tête de Vale NC en 2018. Un parcours pour le moins intéressant, qui lui aura ouvert les portes à la fois des cabinets ministériels (notamment sur l’outre-mer) et du secteur privé minier mondial, et qui lui donne la position et l’influence nécessaire pour promouvoir un projet de reprise plutôt qu’un autre. Au point de solliciter et défendre une offre de reprise dont il bénéficiera lui-même directement : Vale quitte la Nouvelle-Calédonie mais Beurrier reste ! Il s’est réservé une place de choix dans la reprise, puisqu’il présidera la « compagnie financière de Prony » spécialement créée pour réunir les nouveaux actionnaires privés, qui possèdera 25% de la future société « Prony Resources ». (La 1ère, 05/11/2020). Aux côtés de cette compagnie financière, Trafigura détiendra 25%, la Province sud 20%, et l’actionnariat salarié (mis en place à l’initiative de Beurrier toujours) sera à hauteur de 23%

De quelles 
violences parle-t-on ?

Suite à la signature du rachat par le consortium Prony Resources (Trafigura) et en réaction aux manœuvres des partis anti-indépendantistes et de l’État, la mobilisation est restée très forte, toujours sous la forme de barrages routiers et de blocages des sites miniers. Mais la tension est montée d’un cran lorsque des anti-indépendantistes ont appelé à prendre les armes, rappelant la violence des années 1980. Sur de nombreuses images, on a pu voir des partisans de la Calédonie française brandir des fusils sur des contre-barrages, et les utiliser contre des personnes kanak, en arborant le drapeau français, tout cela avec la complaisance des forces de l’ordre qui ont laissé faire. Plus grave, des gendarmes français ont tiré à balles réelles en direction de manifestants qui tentaient de stopper la production de l’usine du sud.
Alors que l’État était resté sourd à la mobilisation tout au long du mois de novembre, il s’est empressé de « condamner fermement les troubles à l’ordre public [5] » début décembre, pointant du doigt les militants du collectif « Usine du sud = Usine pays » et niant ainsi toute la violence coloniale, qu’elle soit exercée par les colons avec leurs fusils, ou par la puissance publique. Pour le moment, tous les événements autour de cette reprise ont montré que les forces opposées à l’indépendance étaient très mobilisées, sans doute d’autant plus qu’elles se sentent menacées par la progression du « Oui » au dernier référendum. Il s’agit de contrer tout ce qui pourrait aller dans le sens de l’indépendance.
C’était sans compter la détermination des indépendantistes, qui savent d’expérience que, dans ce contexte, ils n’obtiendront d’avancées vers la pleine souveraineté que par un rapport de forces. Le FLNKS a quitté le groupe de négociation sur l’avenir institutionnel, que Sébastien Lecornu avait mis tant d’efforts (sic) à relancer lors de sa visite, et a posé un préalable « usine du sud » à la poursuite de ces discussions.
Déjà en 1996, le FLNKS opposait son « préalable minier » à l’État, en refusant de négocier le futur accord de Nouméa tant qu’un massif minier détenu par la SLN ne serait pas cédé à la SMSP pour lui permettre la construction de l’usine du Nord. Après plus d’un an de mobilisations et blocages des sites miniers sur le terrain, qui rappellent fortement le mouvement actuel, le FLNKS avait obtenu gain de cause.
A l’heure où nous écrivons cet article, les négociations ont finalement repris, en bilatéral entre l’État et les indépendantistes. Le FLNKS demande que l’usine soit reprise temporairement par l’État, pour avoir le temps de trouver un autre repreneur que Trafigura et pour construire un modèle de rachat avec un actionnariat majoritaire des provinces calédoniennes. La mobilisation des indépendantistes s’est « allégée » pour le moment mais le mouvement a annoncé qu’elle allait continuer et s’inscrire dans la durée, tant l’enjeu de la souveraineté sur les ressources minières est important.
Marie Bazin

[1Pierre-Yves Le Meur. La gouvernance minière : La politique du nickel en Nouvelle-Calédonie : entre gouvernance locale et gouvernance d’entreprise. [Rapport de recherche] tome Nickel et Environnement, CNRT ”Nickel et son environnement”. 2015, p 21-22

[2Cette politique a été analysée par un référé de la Cour des Comptes en mai 2020, dont la teneur est assez critique.

[3Dans un rapport de mai 2020, la Cour des Comptes recommandait à l’Etat de s’assurer du remboursement de cette dette par Vale malgré son retrait de Nouvelle-Calédonie.

[4Par la Sofinor via le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, et par les indépendantistes auprès du Ministre des Outre mer.

[5Communiqué de presse du Ministère des Outre-Mer du 7 décembre 2020

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 303 - déc 2020-janv 2021
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