Survie

Florilège

rédigé le 5 mars 2022 (mis en ligne le 30 mars 2022) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

A l’occasion de ce numéro de bilan du quinquennat, nous vous offrons un petit florilège de quelques citations inoubliables du président Emmanuel Macron.

« L’opération Barkhane ne s’arrêtera que le jour où il n’y aura plus de terroristes islamistes dans la région » (Conférence de presse à Gao, au Mali, 19/05/17). Après près de dix ans de guerre française contre le terrorisme, le djihadisme au Sahel n’a cessé de prendre de l’ampleur et les pays de l’Afrique de l’Ouest se sentent menacés. Mais l’opération Barkhane va prendre fin, puisqu’elle a été mise à la porte du Mali.

« Le kwassa-kwassa pêche peu ! Il amène du Comorien ! (Rire) » (Discussion sur les embarcations comoriennes avec un agent du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage atlantique d’Étel, dans le Morbihan, 03/07/17). Depuis l’instauration du visa Balladur en 1995, qui a supprimé la liberté de circuler entre Mayotte et les autres îles de l’archipel des Comores, entre 10 000 et 15 000 personnes ont péri dans des tentatives pour faire la traversée à bord des Kwassa-Kwassas, les frêles embarcations traditionnelles comoriennes.

« La seule chose que vous devez aux militaires français, c’est de les applaudir » (Débat avec des étudiants à Ouagadougou, 28/11/17) On le sait, l’État français est le seul pays qui déploie généreusement son armée hors de ses frontières sans la moindre considération pour ses intérêts de puissance ; et l’armée française est la seule armée du monde qui ne fait jamais aucune victime civile. Toutes les enquêtes internes à l’institution militaire en attestent ! Et l’encouragement à l’impunité est donné au plus haut sommet de l’État.

« Le franc CFA est un non-sujet pour la France. » (Débat avec des étudiants à Ouagadougou, 28/11/17) Quelques mois plus tôt, il déclarait aussi aux présidents des Etats du G5 Sahel : « Si on se sent pas heureux dans la zone franc, on la quitte et on crée sa propre monnaie. » Le 21 décembre 2020, alors que les pays de la CEDEAO ont annoncé leur volonté de créer une nouvelle monnaie baptisée ECO, le président français tente de leur couper l’herbe sous le pied et annonce, en compagnie du président ivoirien Alassane Ouattara, le plus fervent défenseur africain du franc CFA, la fin de la monnaie françafricaine. La grande réforme promise maintient finalement l’essentiel des mécanismes de contrôle monétaire.

« Quand des pays ont encore aujourd’hui sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. » (Conférence de presse du sommet du G20 à Hambourg, 08/07/18). Attaqué pour racisme, le président défend son droit à juger de la démographie africaine en raison de ses répercussions supposées sur l’immigration en Europe et répète la formule quelques mois plus tard lors d’un voyage présidentiel au Nigeria (France 24, 04/07/18). Selon une étude de l’INED parue dans la revue Population et société n° 569, 2019, le nombre d’enfants par femme en Afrique est de 4,4. Le Niger culmine à 6,8. Aucun pays, et non "des pays", n’est donc à 7, encore moins 8. Les fantasmes racistes du président semblent davantage alimentés par la crainte obsessionnelle d’une « Ruée vers l’Europe », pour reprendre le titre d’un livre nauséabond de Stephen Smith dont Macron a publiquement recommandé la lecture.

« Il ne faut pas dire que c’est cancérigène (...). Sinon, on alimente les peurs. » (au sujet du chlordécone, lors d’un « grand débat » avec les élus d’Outre-Mer (France ô, 01/02/2019) La fin du débat mérite aussi le détour : Macron confisque les micros les uns après les autres pour clore le débat. Les élus protestent. « Non, les enfants ! (...) Non, vous avez déjà parlé, monsieur le maire. Non-non, ça marche pas comme ça ! Non, monsieur le maire, c’est moi qui donne le micro. (...) C’est pas une communauté autogérée. (…) Je vous demande de vous asseoir. Voilà, donc, vous vous asseyez. » « Donc je prends deux questions. Non-non-non, c’est moi qui prends les micros. (...) La Réunion, Mayotte, y a eu beaucoup de questions, Martinique, on en a eu beaucoup, là. » Le journaliste de Télérama (04/02/19) résume la fin : « La dernière question est enfin posée, le président va pouvoir clore le débat. Ce qu’il fait brillamment par un monologue… de soixante-dix minutes. »

« Je pense qu’entre la France et l’Afrique, ce doit être une histoire d’amour. » (Interview àJeune Afrique, 20/11/2020) Un cliché de la politique française depuis des décennies, presque aussi vieux que la phrase de Fanon : « Pour nous, celui qui adore les nègres est aussi “malade” que celui qui les exècre » (Peau noire, masque blanc, 1952).

« Les tueurs qui hantaient les marais, les collines, les églises n’avaient pas le visage de la France. Elle n’a pas été complice. Le sang qui a coulé n’a pas déshonoré ses armes ni les mains de ses soldats qui ont eux aussi vu de leurs yeux l’innommable, pansé des blessures, et étouffé leurs larmes. » (Discours au mémorial du génocide contre les Tutsis, Gisozi, Kigali, Rwanda, 27/05/21). Complice, si. Déshonoré ses armes, si (et aussi d’autres armes livrées par la France ou dont la livraison a été couverte par la France). Vu de leurs yeux l’innommable : oui s’il met le choléra à Goma sur le même plan qu’un génocide. Ou s’il pense aux soldats français présents en zone gouvernementale pendant le génocide. Pansé des blessures : oui pour 2 médecins militaires qui ont traité 90 des rescapés de Bisesero qui avaient été abandonnés à leurs tueurs. Etouffé leurs larmes : quel culot quand on parle à des rescapés du génocide... mais c’est vrai que de nombreux soldats français ont été traumatisés par ce qu’on leur a fait faire.

« Avec quelle dictature est-ce que je collabore ? » (Débat avec une « société civile » triée sur le volet, sommet Afrique-France de Montpellier, 08/10/2021). Il paraît que Jean-Yves Le Drian en plaisante encore avec Denis Sassou Nguesso, Paul Biya, Abdel Fattah al-Sissi, et quelques autres. Malheureusement, Idriss Déby n’est plus là pour s’esclaffer avec eux. A la mort de ce dernier, l’Elysée saluait la mémoire d’un « ami courageux » de la France.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 315 - mars 2022
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