Survie

Djibouti : « on aurait préféré ne plus être utile » 

rédigé le 30 avril 2022 (mis en ligne le 5 août 2022) - Laurence Dawidowicz

Active depuis 1991, l’Association pour le respect des Droits de l’Homme à Djibouti (ARDHD) a aujourd’hui à son actif 30 ans de combats pour soutenir des djiboutiens prisonniers politiques incarcérés sans jugement, des opposants menacés, torturés, des représentants syndicaux bafoués, licenciés, expulsés, des femmes violées par les militaires dont les plaintes ne sont jamais reçues.

L’association accompagne aussi le combat d’Elisabeth Borrel pour obtenir la vérité sur l’assassinat de son mari Bernard Borrel pendant sa mission de coopération à Djibouti, malgré les manipulations de la justice en France, et les blocages dus au « secret défense ».
Ayant eu connaissance, à l’origine, de l’incarcération extrajudiciaire d’un avocat, Anne-Marie de Vaivre et Jean-Loup Schaal ont fait le pari que le faire savoir au plus grand nombre aiderait à sa libération. Certains que l’information publique est primordiale pour que vivent la démocratie, les droits civiques, et aussi l’esprit critique, ils ont créé l’ARDHD et utilisé tous les moyens en leur possession pour diffuser l’information : campagnes de fax, de pétitions, contacts avec des politiques français de nombreux bords notamment lors des campagnes électorales propices aux rencontres. Aujourd’hui le site est actif même s’il est censuré à Djibouti, trop critique au pays de l’obéissance absolue comme en atteste le rapport 2019 sur les droits de l’homme à Djibouti de l’équivalent américain du ministère des Affaires étrangères « Djibouti Télécom, le fournisseur public d’accès à internet, a bloqué l’accès aux sites internet de [ARDHD] et de la station de radio La Voix de Djibouti, qui ont critiqué le gouvernement. » Pour Jean-Loup Schaal « si on dérange tant c’est qu’on est encore utile ».

Des victoires

Toutefois il est arrivé que « arroseur soit arrosé ». En octobre 2005 lors du procès intenté par le général Zakaria à l’encontre de l’ARDHD, les auditions ont permis de prouver que les témoignages publiés sur son site, en particulier sur la torture, étaient véridiques. Cette tentative d’instrumentalisation de la justice française a échoué malgré un ultime essai d’influence dénoncé par Survie dans un communiqué du 2 novembre 2005 : non seulement les insignes de la légion d’honneur française ont été remis à celui qui voulait museler le site de l’ARDHD, mais son avocat s’est même permis de le faire savoir au président du tribunal espérant surement « l’aider » dans sa décision. Avec le recul du temps et au vu du verdict, on ne peut que féliciter le juge qui a rendu un verdict clair : il ne s’agissait pas de diffamation mais de la vérité !

Un point d’étape
 et de partage

L’association a organisé le 12 février 2022, pour les 30 ans de l’association, un temps de partage et de témoignages, rappelant l’importance de ceux-ci pour que vivent les Droits Humains. C’est bien la nécessité de ne jamais se taire, de témoigner, de mobiliser la société civile et la presse internationale qui a été soulignée. Le silence sert les dictateurs quels qu’ils soient ! Hélas, leur reconnaissance par des pays étrangers aussi, par exemple via les messages de félicitations après des élections présidentielles pourtant rendues possibles par une modification de la Constitution, comme l’ont dénoncé l’ARDHD et Survie pour la réélection de Ismaël Omar Guellehà Djibouti en 2021. Le clonage systématique des syndicats et partis politiques djiboutiens qui résistent aux diverses pressions du pouvoir a été dénoncé, les organisations syndicales françaises présentes ont proposé de prolonger les échanges à ce propos ainsi que sur le devoir de vigilance des entreprises. Il est probable que d’autres rencontres seront organisées par l’ARDHD.
Laurence Dawidowicz

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 317 - mai 2022
Les articles du mensuel sont mis en ligne avec du délai. Pour recevoir l'intégralité des articles publiés chaque mois, abonnez-vous
Pour aller plus loin
a lire aussi