Lorsque le président nigérien Bazoum a été déposé par le général Tchiani, le chef de la garde présidentielle, le 26 juillet dernier, la France, craignant de perdre son plus fidèle allié dans la région, est immédiatement montée au créneau, condamnant le putsch et convoquant ostensiblement un conseil de Défense à l’Élysée. Le journal Le Monde a depuis confirmé qu’une opération militaire française visant à rétablir le président déchu dans ses fonctions a été sérieusement envisagée dans les premières heures. Le 30 juillet, après que des manifestant·e·s s’en soient pris à l’ambassade de France, Macron a menacé de « répliquer de manière immédiate et intraitable » en cas d’« attaque contre la France et ses intérêts », faisant immédiatement monter d’un cran la colère populaire et renforçant le soutien des Nigérien·ne·s aux putschistes. La France a aussi ouvertement poussé les pays de la CEDEAO à adopter les positions les plus dures, se félicitant des sanctions économiques pénalisant la population, et apportant son soutien aux menaces d’intervention militaire. Les militaires nigériens ont dénoncé les accords militaires liant le Niger et la France, ce qui revient à exiger le départ des 1500 militaires français qui restaient discrètement présents au Niger après la clôture de l’opération Barkhane. Une demande immédiatement rejetée par l’Élysée, au motif qu’on ne reconnaît pas les nouvelles autorités. Le même argument a été avancé pour refuser le départ de l’ambassadeur de France au Niger, sommé de quitter le pays. Une position évidemment intenable dans la durée. A l’occasion de son discours aux ambassadeurs du 28 août, Macron a même fait plus que persister. À son habitude, il n’a pu se retenir de se poser en donneur de leçons, ajoutant même l’injure (« on vit chez les fous ») à la menace. Alors qu’un nouveau conflit ne pourrait qu’embraser une région déjà meurtrie par de nombreux groupes armés, Macron a réaffirmé que la France soutenait « l’action diplomatique, et quand elle le décidera militaire, de la CEDEAO », et a appelé « tous les États de la région à avoir une politique responsable », le soutien à une solution militaire semblant s’étioler. Dans le même temps, il a déploré les voix qui, « de Washington en passant par d’autres capitales européennes », appellent la France à la prudence. Les États-Unis, mais également l’Allemagne et l’Italie se sont démarqués de l’intransigeance de la diplomatie française, qui se retrouve de plus en plus isolée. Les Américains ont en effet fait savoir qu’ils n’avaient pas investi pour rien plusieurs centaines de millions de dollars dans leur base militaire, et les Européens s’inquiètent de voir le Niger abandonner son rôle de sous-traitant pour la répression des migrants. Ironie de l’histoire, les partenaires de la France, voyant bien les effets contre-productifs de l’arrogance française, pourraient bien négocier leur maintien au détriment de la présence militaire française, pour peu que les nouvelles autorités nigériennes gardent leurs distances avec Moscou. Ces événements illustrent, une nouvelle fois, l’obstination des responsables français à préserver à tout prix une présence militaire que l’on a vue rejetée par des dizaines de milliers de Nigérien·ne·s dans la rue, mais également leur incapacité à tirer les leçons des échecs passés. Quelques voix s’élèvent en France pour s’en inquiéter, mais surtout pour appeler les autorités à exercer un soft power plus discret. Il est au contraire urgent d’imposer dans le débat public le retrait de tous les militaires français d’Afrique et la fin de toute ingérence.
Raphaël Granvaud