Sylvain Itté, dernier ambassadeur français au Niger, a eu son heure de gloire à son retour forcé en France : dans une longue interview, Paris Match (05/10/23) il avait infligé à ses lecteurs les « confidences d’un ambassadeur assiégé » : « récit de privations, d’angoisse et de courage ! ». On en frissonne encore. Itté avait en effet été qualifié d’« otage » par le président français à la fin du bras de fer entre la France et les nouvelles autorités nigériennes. Dans l’attente d’une hypothétique intervention militaire régionale de la CEDEAO, la France refusait en effet d’évacuer ses troupes et son ambassadeur comme l’exigeaient les militaires putschistes, lesquels ont alors organisé le blocus de l’ambassade de France. L’ambassadeur de choc, déjà spécialiste des tweets incendiaires, rêvait sans doute d’appartenir à la longue tradition des ambassadeurs-écrivains : moins d’un trimestre après son retour en France, le récit des aventures de Tintin au Niger était prêt à être publié. Malheureusement, le projet de livre n’a pas été du goût de son employeur. Itté conserve en effet la fonction officielle d’« ambassadeur de France au Niger », malgré la fermeture de l’ambassade. La secrétaire générale de son ministère de tutelle lui a ainsi rappelé par courrier son devoir de réserve. Elle s’inquiète des « nombreuses informations (sur) des sujets exclus du droit à la communication (qui) ne peuvent être divulgués que par décision expresse de l’autorité hiérarchique » et du fait que certains propos « ne pourraient qu’être perçus comme exprimant le point de vue des autorités françaises. » Le Canard Enchaîné (24/01/2024), qui révèle l’affaire, crie à la « censure » et feint de croire que le projet éditorial avait pour objet d’« en remettre une couche sur les fiascos africains d’Emmanuel Macron ». De toute évidence, connaissant l’auteur, il s’agissait certainement davantage d’un récit dithyrambique à la gloire de la politique africaine de Macron et des bons petits soldats qui, comme lui, l’ont mise en musique (militaire).