Suite à la dernière élection présidentielle de l’Union des Comores du 14 janvier 2024, le colonel Azali Assoumani est déclaré vainqueur dès le 1er tour du scrutin. L’opposition conteste le résultat et des violences éclatent sur Anjouan, Mohéli et la Grande-Comore, faisant un mort à Moroni.
Le colonel Azali prend le pouvoir en engageant son premier coup d’État en 1999, en pleine crise séparatiste animant l’archipel des Comores. À ce moment, une minorité de politiciens anjouanais, soutenue par l’extrême-droite française, menace de se déclarer indépendante des Comores. Durant cette crise séparatiste, Azali, soutenu par la France, s’impose comme le résolveur de ces conflits de sécession. Il est à la tête du pays sans avoir été démocratiquement élu, mais reconnu par la France, entre autres, comme le président des Comores. Azali prend goût au pouvoir et ce n’est que grâce à la pression de la diaspora comorienne et de la scène internationale qu’il finit par organiser des élections présidentielles en 2002. Il gagne ces élections dont le scrutin est immédiatement contesté par l’opposition. Néanmoins, il restera au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 2006.
10 ans plus tard, Azali retourne au pouvoir à la suite d’élections là encore contestées par l’opposition. En effet, alors qu’il arrive troisième au premier tour des votes, il finit par remporter le deuxième tour malgré une coalition des deux premiers candidats. Ces résultats sont néanmoins reconnus et soutenus par, entre autres, la France. Très rapidement après son accès à la tête de l’Union des Comores, le président Azali modifie la Constitution afin de pouvoir se donner la possibilité de rester au pouvoir pour deux prochains mandats, soit jusqu’à 2029. La Cour anti-corruption et la Cour constitutionnelle sont aussitôt dissoutes et Azali met en place une Cour suprême dont il nomme lui-même les membres. Cela conduit l’Union européenne à suspendre sa coopération avec l’Union des Comores. C’est ainsi qu’en 2019, Azali organise des élections anticipées dont il ressort gagnant et là encore, l’opposition dénonce des élections frauduleuses. La vie politique comorienne fait face à un tournant puisque des journalistes et des membres de l’opposition sont arrêtés, souvent arbitrairement, et emprisonnés. C’est le cas notamment de l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi, qui est jusqu’à ce jour en résidence surveillée. D’autres sont torturés, certains retrouvés morts dans de mystérieuses conditions. Cela n’empêche pas la France de recevoir Azali en grandes pompes à l’Élysée plusieurs fois par an. Ce serait d’ailleurs elle qui aurait appuyé la candidature du président comorien contesté à la présidence de l’Union africaine, succédant ainsi en février 2023 à son homologue sénégalais Macky Sall. C’est donc dans ce contexte politique que se déroulent les élections présidentielles de janvier 2024. Les résultats sont annoncés le 16 janvier par la Commission électorale (CENI) : Azali aurait remporté l’élection dès le 1er tour avec un score de 62,9 %. Encore une fois, ces résultats sont contestés par l’opposition, des bourrages d’urnes sont constatés dans plusieurs bureaux de vote de l’archipel ainsi que de multiples fraudes électorales. Le 24 janvier, la Cour suprême du Président Azali valide la victoire du président sortant mais fait descendre son score à 57,2 %. Elle en profite même pour grossièrement modifier le taux de participation à ces élections, passant de 16,3 % à 56,44 %. Azali est prêt pour un troisième mandat consécutif, jusqu’à 2029, comme il l’avait prévu.
Dès l’annonce des résultats, des révoltes ont lieu d’abord à Anjouan, puis à Mohéli et enfin à la Grande-Comore. Le lendemain des résultats, un militaire du Groupement de Sécurité des Hautes Personnalités tire une balle dans la tête d’un jeune homme de 21 ans, Mouslim Ahmed, qui sera déclaré décédé par le chef des urgences de l’Hôpital El-Maarouf. Selon l’association SOS Démocratie aux Comores, il s’agit de la 20ème victime de la répression exercée par Azali depuis 2018. Le peuple ne décolère pas et les révoltes continuent malgré les nombreux blessés. Azali est chahuté lors de ses déplacements et un couvre-feu est instauré à Moroni, la capitale. Mais après deux jours d’émeutes, l’appel de l’opposition politique à amplifier la mobilisation n’a pas été suivi. Les autorités « ne feraient pas de cadeau aux fauteurs de troubles », avait fait savoir le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie, et la peur semble avoir eu provisoirement raison de la colère. Si l’Union européenne « note avec inquiétude des accusations de dysfonctionnements, irrégularités et fraudes électorales » et se dit préoccupée « par les informations faisant état de violences »,et que les États-Unis ont demandé aux Comores de « saisir l’opportunité d’assurer la transparence dans le processus électoral », la France s’est contentée de suivre « avec attention la situation actuelle » et a exprimé « sa préoccupation face aux tensions et aux violences de ces derniers jours », appelant les « acteurs comoriens à la retenue et au dialogue » (LeMonde.fr, 19/01/24), manière de renvoyer tous les protagonistes dos à dos…
Depuis plusieurs années maintenant, les Comores se trouvent prisonnières d’un dictateur tortionnaire et sanglant, arrivé au pouvoir par les armes il y a 25 ans et qui n’hésite pas à donner l’ordre de tirer sur la foule, d’arrêter arbitrairement les combattants de la liberté et même parfois de les torturer jusqu’à ce que mort s’ensuive. Avec un mépris débordant, Azali continue sa route, préparant, dit-on, son fils au pouvoir pour 2029. À son côté, l’État français est son principal allié. Malgré une mise en scène de tension autour de l’opération Wuambushu plus tôt dans l’année 2023, Emmanuel Macron et Azali Assoumani continuent d’avancer tranquillement main dans la main comme toujours en Françafrique, et ce malgré les révoltes des Comorien·ne·s partout dans l’archipel et dans la diaspora.
Riwadi Saïdi