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Tchad

(mis en ligne le 27 novembre 2024) - Raphaël Granvaud

Sans surprise, la France a avalisé la fin de la « transition » dynastique au Tchad, marquée de bout en bout par des massacres.

Le scénario attendu s’est donc finalement réalisé sans surprise au Tchad. Après une « transition » aux faux airs de réconciliation nationale, Mahamat Idriss Déby, dont le père tenait le pays depuis 1990 avec l’aide de l’armée française, s’est fait élire avec plus de 60 % des voix dès le premier tour de l’élection présidentielle qui s’est tenue le 6 mai dernier. Un score suffisamment imposant pour entériner son putsch de 2021, mais absolument invérifiable – il était par exemple interdit de photographier les procès-verbaux du dépouillement du scrutin… Après l’élimination physique de Yaya Dillo du PSF et l’invalidation de la candidature de Nassour Koursami du GCAP, deux des principaux opposants à Déby, ne restait en lice comme candidat crédible que Succès Masra, chef des Transformateurs, qui avait rallié le régime au poste de Premier ministre, pensant pouvoir utiliser sa fonction comme tremplin vers le trône présidentiel. On ne lui a concédé que de 18 % des voix.

« Tirs de joie »

Pour éviter tout risque de contestation des résultats dans la rue, la proclamation des résultats le jeudi 16 mai s’est accompagnée d’un important déploiement militaire… et de plus d’une dizaine de morts et de nombreux blessés. Selon la version officielle, ils seraient accidentels, dus à des «  tirs de joie » de militaires tchadiens fêtant la « victoire » du fils Déby. De quoi raviver le souvenir des massacres et des emprisonnements massifs d’opposants en octobre 2021. Le ministère tchadien de la Santé interdisait d’ailleurs aux hôpitaux de fournir des informations aux journalistes sur ces nouvelles victimes. Le lendemain, le président français Emmanuel Macron, s’est fendu d’un appel téléphonique à son homologue tchadien qu’il a « félicité (…) pour son élection à la présidence de la République du Tchad  » (communiqué de presse de l’Élysée, 17/05/2024). À titre de comparaison, le département d’État américain a souligné les « lacunes préoccupantes » du processus électoral et le «  manque d’inclusivité des institutions » (LeMonde.fr, 23/05/2024), et l’Union européenne a déploré la « non accréditation d’un nombre important d’observateurs de la société civile à la veille du scrutin  » et s’est inquiété « des violences post-électorales  » (Jeune Afrique, 24/05/2024).

Applaudissements français

Notons que Mahamat Idriss Déby a également reçu, pour son élection « à l’issue d’un dialogue national inclusif réussi » (X ex-Twitter, 10/05/2024), les félicitations anticipées de Marine Le Pen, dont le parti se pose parfois en détracteur de la Françafrique. Un enthousiasme également partagé par la diplomatie russe, qui courtise ouvertement le pouvoir tchadien. Ce dernier savoure pour l’instant cette situation : elle lui permet de s’assurer un soutien sans faille de la France qui entend bien conserver une présence militaire dans le pays. Qu’elle soit française ou russe, la dictature tchadienne va encore avoir besoin d’une assurance-vie, le verrouillage de l’espace politique ne pouvant que relancer les contestations politico-militaires du régime. Les ingérences militaires étrangères pour maintenir la « stabilité » ont donc de beaux jours devant elles.
Raphaël Granvaud

« De l’huile sur le feu », Raphaël Granvaud, 392 pages, 22 €

Après avoir été chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la France reste militairement présente au Tchad. Retrouvez l’histoire de la « guerre contre le terrorisme » au Sahel dans le dernier titre de notre collection Dossiers noirs, en librairie depuis le 17 mai.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 338 - été 2024
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