Sans être réjouissants, les résultats des législatives des 30 juin et 7 juillet derniers ont été, on le sait, moins catastrophiques qu’annoncés. La meilleure nouvelle nous arrivant peut-être de Kanaky-Nouvelle-Calédonie, impactée depuis ce printemps par un énième soulèvement kanak et la répression coloniale féroce qui y répond [voir notre numéro précédent]. Dans un contexte de tensions exacerbées, la droite pro-française a pris une claque aussi retentissante qu’inattendue.
Peut-être pas pour tout le monde ceci dit : Nicolas Metzdorf, rapporteur en mai de la loi sur le dégel du corps électoral qui a mis le feu aux poudres, avait renoncé à se présenter dans la deuxième circonscription, dont il était pourtant le député sortant. Il préférait tenter sa chance dans la première, celle de la capitale Nouméa. Résultat : une victoire étriquée avec quelque 52 % des suffrages exprimés, là où son prédécesseur anti-indépendantiste obtenait il y a seulement deux ans plus de 66 %… C’est ce qui s’appelle sauver (difficilement) les meubles.
Dans la deuxième circonscription, celle de la « brousse », les « loyalistes » se sont écroulés : Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie et candidat du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), l’a emporté au second tour avec plus de 57 % des voix. Une première depuis… 1986 ! À l’époque, le gouvernement Chirac avait mis en place un découpage électoral taillé sur mesure pour empêcher tout indépendantiste d’accéder au Palais-Bourbon.
Sur l’ensemble du territoire, les souverainistes kanak obtiennent plus de 10 000 voix d’avance sur leurs adversaires ! Un chiffre d’autant plus impressionnant que la participation a été forte (plus de 70 %) et que le scrutin étant « national », il se jouait avec un corps électoral ouvert. Nombre de non-Kanak se sont donc détournés de la droite coloniale. Le résultat sans doute de la campagne menée par Tjibaou et ses camarades, axée sur l’apaisement et la réconciliation, mais aussi la preuve que nombre d’électeurs et électrices ne sont pas trompés quant aux responsabilités réelles de la situation désastreuse de l’archipel.
Ce résultat électoral constitue un des rares signes d’espoir du moment. Sur place, la contre-offensive de l’État français se poursuit. Un Kanak a été tué par les « forces de l’ordre » le 10 juillet dans la commune du Mont-Dore, un autre le 15 août à Thio. Au total, onze personnes sont mortes par balle depuis le printemps, dont huit Kanak. Par ailleurs, cinq militant·e·s indépendantistes restent emprisonné·e·s dans l’Hexagone, deux autres y sont assignées à résidence. Les discussions sur l’avenir du territoire sont à l’arrêt. Une crise politique majeure qui a causé de plus de 2 milliards d’euros de dégâts et vient en amplifier une autre, économique celle-ci, sur fond d’effondrement de l’industrie du nickel.
Dernier (gros) coup dur en date : la fermeture le 31 août de l’usine métallurgique KNS, pour Koniambo Nickel SAS, qui employait 1200 personnes sans compter les sous-traitants. Obtenue de haute lutte par les indépendantistes, celle-ci avait été pensée comme l’outil essentiel du rééquilibrage entre le Nord majoritairement kanak, longtemps délaissé et le Sud plus « blanc » et plus riche. Elle portait aussi pour le FLNKS la promesse d’une indépendance économique du territoire avant l’indépendance politique… Triste symbole.