Un mois après le passage dévastateur du cyclone Chido à Mayotte, le département colonie est toujours aussi abandonné par les autorités politiques françaises, tandis que la diaspora comorienne se montre solidaire du sort de ses compatriotes.
Cela fait maintenant un mois que le cyclone Chido a frappé Mayotte, le reste de l’archipel des Comores, mais aussi le Mozambique et le Malawi. Si dans ces deux derniers on déplore respectivement 160 et 13 mort·e·s, à Mayotte le bilan des pertes humaines est toujours inconnu à l’heure où ces lignes sont écrites. Le dernier chiffre en date, annoncé en décembre (!), était de 39 mort·e·s, ce qui paraît irréaliste au regard du niveau de destruction de l’île et de ses habitations. Une rumeur risible a d’ailleurs circulé un temps dans les médias : le bilan serait impossible à dresser puisque les Comorien·ne·s sont musulman·e·s et que, selon les lois de l’Islam, il faut enterrer les corps des défunts moins de 24 heures chrono après leur mort… Mais derrière ces fausses excuses et les doutes, une certitude : la situation est déplorable, et des autorités politiques méprisantes ont totalement abandonné ce territoire et ses habitant·e·s.
La visite du président Emmanuel Macron à Mayotte en est le symbole. On a pu assister, stupéfait·e devant nos écrans, à cette sortie médiatique complètement aberrante et empreinte de colonialisme du président de la République, mis en scène au milieu de Mahorais·e·s complètement déboussolé·e·s par leur désespoir : « C’est pas moi le cyclone ! Je ne suis pas responsable […] Parce que vous êtes contents d’être en France. Parce que si ce n’était pas la France, vous serez 10 000 fois plus dans la merde ! ». Le ton était donné. Les Mahorais·e·s n’ont pas le droit de se plaindre, de dire que la situation n’est pas correctement prise en charge et qu’il faut que ça change ! Il leur faut remercier la France tel des béni-oui-oui parce que le président-colon le dit.
La préoccupation principale à Mayotte actuellement est le rétablissement de l’eau et de l’électricité. Mi-janvier, le préfet de Mayotte, qui ne savait pas vraiment un mois plus tôt si le cyclone avait fait des centaines ou des milliers de mort·e·s, déclarait que le niveau d’eau dans l’île était redevenu quasiment similaire à celui d’avant Chido. Un retour à la normale donc… pour des Mahorais-e·s qui se plaignaient déjà avant le cyclone du manque critique d’accès à l’eau potable sur l’ensemble du territoire. Concernant le réseau électrique, le préfet qui s’appuie sur la carte d’EDM (Électricité de Mayotte, dont EDF est actionnaire) affirmait que 70 % des foyers sont reconnectés à l’électricité. En réalité, il ne s’agit que de 70 % des clients d’EDM, et pas du tout de 70 % des foyers à Mayotte qui auraient retrouvé la lumière.
Pour ne rien arranger, moins d’un mois après Chido, Mayotte a été de nouveau placée en alerte cyclonique rouge en raison de l’arrivée de la tempête Dikeledi, ce qui a aggravé une situation déjà dramatique. D’ailleurs, la PMI (Protection maternelle infantile) de Poroani a dû fermer suite à un incendie causé par un court-circuit. C’est dire le niveau de dégradation des équipements sur l’île.
Malgré les préoccupations légitimes des Mahorais·e·s concernant l’accès à l’eau et à l’électricité, la droite et l’extrême-droite ont continué leurs attaques contre les Comorien·ne·s non mahorais·e·s. Un collectif de citoyens mahorais s’est ainsi mobilié pour chasser hors du département colonie les « migrant·e·s », hébergé⋅e⋅s au lycée Bamana de Mamoudzou. Une mobilisation soutenue par le Rassemblement national : la députée Anchya Bamana a réclamé à l’Assemblée nationale l’état d’urgence sécuritaire à Mayotte en s’appuyant sur cette initiative. Notons que le lycée Bamana porte le nom du militant pro-Mayotte française Younoussa Bamana, père de ladite députée. Bien que l’extrême-droite cherche toujours à diviser les Comorien·ne·s, face à Chido, la mayonnaise ne prend pas. En effet, les Comorien·ne·s des trois autres îles et la diaspora se mobilisent depuis plus d’un mois pour venir en aide à leurs compatriotes mahorais. Collectes et cagnottes en ligne se multiplient. Celles mises en place par les associations de la diaspora comorienne de France ont récolté des dizaines de milliers d’euros. Un restaurateur comorien a même mis son restaurant, situé à Paris, à disposition pour récolter des denrées alimentaires et des vêtements. Aussi, les joueurs de l’équipe nationale de football des Comores se sont mobilisés pour fournir une aide financière mais aussi alimentaire aux plus démunis. La santé mentale étant un véritable enjeu dans ce genre de catastrophe environnementale et humaine, une cellule d’écoute a été mise en place à leur initiative.
Face à l’État colonial, toujours déficient et méprisant, la meilleure réponse est pour l’heure cette solidarité sans faille entre les Comorien·ne·s.