Survie

Le Pen, une histoire coloniale

(mis en ligne le 5 mai 2025) - Jean Boucher

Le décès, ce 7 janvier, de Jean-Marie Le Pen a donné lieu à des commentaires cléments d’une grande part de la classe politique et des médias. D’où l’importance de souligner, encore et toujours, la nocivité de ce grand défenseur de l’ordre colonial.

Jean-Marie Le Pen aura joué un rôle clé dans la remise en selle de l’extrême droite française, déconsidérée par la collaboration avec les nazis sous Vichy. Son vecteur principal en sera l’exaltation raciste du colonialisme (partagée d’ailleurs par d’autres forces politiques, plus « respectables ») et de la grandeur impériale de la nation, « trahie » par la gauche comme par la droite. Après Mendès-France qui a « bradé l’Indo », c’est de Gaulle, dénoncé pour avoir abandonné l’Algérie, qui deviendra la cible de l’extrême droite. Et au sens propre : en août 1962, l’Organisation de l’armée secrète (OAS) organisera un attentat pour l’assassiner. Quelques années plus tard, en 1972, lors de la fondation du Front national, bon nombre des terroristes de l’OAS se retrouveront avec Le Pen, aux côtés de pétainistes, poujadistes et nazis.
Le Pen avait tout pour fédérer les extrêmes droites d’alors : antisémite et anticommuniste virulent, ancien député poujadiste (se proclamant défenseur des « petits » contre les « gros »), il avait pour titres de gloire colonialistes de s’être engagé en 1953 pour la guerre d’Indochine, puis en 1956 pour l’expédition de Suez. Enfin, cette même année, profitant de l’envoi massif du contingent en Algérie par le gouvernement du socialiste Guy Mollet pour écraser la lutte indépendantiste, il avait rejoint le 1er régiment étranger de parachutistes. Où il s’illustra par sa pratique de la torture (lire, entre autres, Le Pen et la Torture de Fabrice Riceputi, chez Le Passager clandestin). Plusieurs fois condamné pour apologie de crime de guerre, contestation de crimes contre l’humanité, provocation à la haine, à la discrimination et à la violence raciale, il ne sera par contre jamais inquiété pour ses actes de torture que, pourtant, il lui arrivait de reconnaître et justifier. Ses crimes contre l’humanité restent donc impunis, à l’image des crimes coloniaux de l’impérialisme français, incapable de juger un des siens.

Gangrène

Aujourd’hui, c’est encore en toute impunité que l’héritière de Jean-Marie Le Pen, interrogée sur le fait de savoir si la torture peut être utilisée, se permet de répondre : «  Oui, oui, bien sûr, cela a été utilisé dans l’Histoire  » avec la même justification que celle qu’utilisèrent son père et autres tortionnaires pendant la Guerre d’Algérie : il faut bien lutter contre le terrorisme (Le Monde, 10/12/2024). Quant au vice-président du RN-FN, Louis Aliot, il peut se permettre de donner le nom de Pierre Sergent (le chef des assassins de l’OAS-métropole) à une esplanade de Perpignan, la ville dont il est maire et qu’il a récemment baptisée « capitale des Français d’Algérie ». Ce « nostalgérisme » exprime la volonté du RN-FN – dont les visées africaines n’ont pas cessé (lire l’édito de Billets d’Afrique n°338) – de redonner sa grandeur passée à la nation en la purifiant de ses ennemis, extérieurs et intérieurs : hier le fellagha, aujourd’hui ses descendant·e·s infiltré⋅e⋅s dans nos quartiers et qui, aidé·e·s par des hordes de migrant·e·s, menacent de nous chasser de France comme hier nous avons été chassés d’Algérie ! Jean-Marie Le Pen aura été décisif dans la transmission et la diffusion de ce racisme aux couleurs du colonialisme et dans sa banalisation qui gangrène la société française, avec une extrême droite de plus en plus menaçante. Un racisme inhérent aussi à la politique néocoloniale actuelle.
Jean Boucher

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 344 - février 2025
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