La nomination du revenant Manuel Valls au ministère des Outre-mers n’augure rien de bon, pour le département de Mayotte comme pour les autres territoires concernés. On vous rappelle pourquoi.
En mai 2012, Manuel Valls devient ministre de l’Intérieur d’un François Hollande tout juste élu président de la République. Dès le 6 juillet, il concrétise une promesse de campagne en signant une circulaire qui permet d’assigner à résidence les familles sans papiers avec leurs enfants, et non pas de les placer en centre de rétention comme auparavant. Le soir même pourtant, son cabinet informe la presse que cette circulaire ne s’appliquera pas à Mayotte. Les enfants comoriens « en situation illégale » dans ce département continueront d’être enfermés au centre de rétention de Pamandzi, le plus surpeuplé et délabré du territoire français.
Quelques semaines plus tard, un bébé y décède. Les ministres concernés se fendent d’un communiqué laconique : « C’est avec une profonde tristesse que Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, et Victorin Lurel, ministre des Outre-mer ont appris le décès d’un nourrisson de deux mois, le jeudi 16 août, au Centre de rétention administrative de Mayotte. » Et d’ajouter, sans honte, qu’ils « souhaitent préciser les circonstances de cette tragédie, dont les causes exactes restent encore à déterminer ». Les causes sont pourtant de manière évidente à chercher du côté de la circulaire du mois précédant. Quant aux circonstances de la tragédie, elles tiennent plus largement de la politique coloniale de l’État français. La France, en arrachant Mayotte aux Comores au moment de leur indépendance en 1975, a transformé des Comoriens en étrangers « sans-papiers » dans leur propre archipel. Loin d’une quelconque remise en question, Manuel Valls justifiait dans ce même communiqué sa position, pointant la « pression migratoire » à Mayotte.
Cette tragédie – et la réponse qui a suivi – nous rappelle qui est celui qui est devenu, au sein du très à droite gouvernement Bayrou, le nouveau ministre des Outre-mer. On ne sera donc pas surpris que celui-ci, à peine revenu aux affaires, ait jugé que la priorité était de s’attaquer, encore et toujours, aux Comoriens en situation irrégulière à Mayotte : « Il faut restreindre l’accès au droit du sol. On peut aller plus loin dans ce domaine-là. […] Il faut agir pour empêcher l’arrivée de migrants à Mayotte », affirmait-il sur BFMTV ce 19 janvier. Il ne fait là qu’emboîter le pas à la droite et à l’extrême droite – une habitude chez lui.
Manuel Valls, comme pour la plus grande part de l’arc politique français, n’interroge bien sûr jamais le fait que Mayotte soit restée rattachée à la France. Les Nations unies affirment pourtant, dans de multiples résolutions, que l’île devrait appartenir à l’Union des Comores. C’est donc bien, selon le droit international, un territoire toujours colonisé. Mais qu’attendre d’un homme qui n’a cessé, tout au long de son parcours, de montrer ses dispositions pour le (néo)colonialisme ?
Connu pour être un défenseur notoire de la politique israélienne, Manuel Valls est aussi, ne l’oublions pas, un acteur de la Françafrique. Il est ce nostalgique de l’empire français qui déclarait très tranquillement dans Valeurs actuelles (18/06/2020) que « la colonisation fait partie de notre histoire, avec ses aspects sombres et ses aspects lumineux », en rejetant la dénomination de « crime contre l’humanité ». C’est le même qui, lors de son passage à Matignon comme premier ministre (de 2014 à 2016), rendait visite au dictateur tchadien Idriss Déby pour maintenir avec lui une « alliance stratégique », officiellement dans la lutte contre le terrorisme, et contribuait ainsi à réhabiliter sur la scène internationale l’un des pires régimes du monde en termes de répression de ses opposants. C’est encore lui qui faisait du dictateur Omar Bongo l’invité d’honneur du salon du Bourget en 2015. Ou encore qui réfutait devant l’Assemblée nationale en avril 2014, au moment des 20 ans du génocide des Tutsis, les « accusations injustes » contre le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994… Tant qu’il y a des « aspects lumineux », et surtout que les intérêts de la France sont protégés, Valls s’accommode en effet très bien des aspects les plus sombres.
Manuel Valls n’a pas été nommé aux Outre-mer pour améliorer le sort des Comoriens, des Kanak, des Guadeloupéens ou des Réunionnais (lui qui en 2015 les situait dans le Pacifique). Encore moins pour réfléchir au rôle ou à la complicité de la France dans quelque crime que ce soit. Non, il est là précisément parce qu’il est un partisan de la « grandeur de la France » dans le monde, un défenseur zélé de son influence en perte de vitesse.
Un colonialisme qui, sans surprise, ne va pas sans une dose de racisme : en 2009, alors qu’il était maire d’Évry, Valls trouvait que l’espace public de sa ville manquait de « Blancs », « white » et autres « blancos ». Que dira-t-il quand il devra se rendre à Fort-de-France ou à Papeete ?
Groupe Colonies d’Outre-mer de Survie