Les 23 et 24 janvier, en amont du 44e congrès du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), des représentants de mouvements indépendantistes de plusieurs territoires des outre-mer français et de Corse se sont rassemblés à Nouméa, capitale de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Un « congrès des dernières colonies françaises » dont l’objectif était le lancement officiel d’un Front international de décolonisation (FID).
« Nous, organisations patriotiques des dernières colonies françaises, considérons que, dans le contexte d’effondrement d’un ordre du monde caractérisé par l’exploitation des plus fragiles et la domination d’une partie significative du monde par quelques puissances prédatrices, l’heure est venue de faire front pour conduire nos nations à leur pleine souveraineté et participer ainsi à la construction d’un monde meilleur », explique en préambule la charte constitutive du mouvement.
S’y retrouvent, outre le FLNKS, cinq organisations guadeloupéennes, dont l’Union pour la libération de la Guadeloupe (UPLG), quatre martiniquaises, dont le Parti pour la libération de la Martinique (Palima), le Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale (MDES) de Guyane, le Tavini huiraatira de Ma’ohi Nui - Polynésie française, ainsi que le nouveau parti indépendantiste corse Nazione. Mais aussi des organisations de deux territoires des Caraïbes rattachés aux Pays-bas, Bonaire et la partie sud de l’île de Saint-Martin. La charte précise en effet que « bien que le FID soit créé principalement sous l’impulsion des pays encore colonisés par la France qui a conservé un vaste empire colonial, il a vocation à rassembler tous les peuples qui luttent contre le colonialisme ».
En réponse, le gouvernement français n’a su que dénoncer piteusement, comme lors du soulèvement kanak de mai dernier, des « opérations d’ingérence et de déstabilisation de l’Azerbaïdjan », dixit le ministre des Outre-mer Manuel Valls qui a évoqué une attaque « inacceptable » contre « notre intégrité » et « nos principes fondamentaux » (Ouest-France, 25/01).
En effet, à l’origine des discussions ayant permis la constitution de ce FID se retrouve le Groupe d’initiative de Bakou, ONG internationale créée en juillet 2023 pour soutenir les mouvements anti-coloniaux. Nul doute que l’Azerbaïdjan du dictateur Ilham Aliyev se sert de cet outil pour venir contrarier la France, alliée de l’Arménie avec laquelle elle est en conflit au Haut-Karabagh. Cependant, elle n’a créé ni l’impérialisme français, ni le juste combat contre celui-ci…
Ce qu’a rappelé le FID le 5 février dans une lettre ouverte au président de la République et au gouvernement français : « Vous avez fait le choix du déni du fait colonial dont vous êtes seuls responsables. Plus grave ! Vous n’éprouvez aucune honte à oser vous poser en victimes des peuples colonisés par vous, dont le seul crime est de revendiquer leur droit inaliénable à disposer d’eux-mêmes et à choisir librement leur destin. » Et d’ajouter que la France « représente la seule puissance ingérente dans les affaires de nos pays ».
L’État français a, de fait, tout intérêt à détourner l’attention et à minimiser l’importance de ce rapprochement des plus importantes organisations indépendantistes de ses colonies – dont certaines entretiennent en réalité des relations nourries depuis longtemps, à l’image du FLNKS et du Tavini. Un rapprochement qui pourrait, s’il se concrétise en actes, largement renforcer la lutte anticoloniale, notamment à l’international. Parmi les premiers objectifs affichés du FID : l’obtention d’un statut de membre observateur au sein du Mouvement des non-alignés et l’inscription de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Corse sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU – liste dont font déjà partie la Kanaky depuis 1986 et Ma’ohi Nui depuis 2013.
Corse :
– Nazione
Kaloukaera (Guadeloupe) :
– Fòs Pou Konstwi Nasyon Gwadloup (FKNG)
– Comité international des peuples noirs (CIPN)
– Mouvement International pour les Réparations Guadeloupe (MIR)
– Parti Communiste Guadeloupéen (PCG)
– Union Pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG)
Guyane :
– Mouvement de Décolonisation et D’Émancipation Sociale (MDES)
Kanaky (Nouvelle-Calédonie) :
– Front De Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS)
Martinique :
– Mouvement International pour les Réparations Martinique (MIR)
– Mouvement des Démocrates et Écologistes pour une Martinique Souveraine (Modemas)
– Parti pour la Libération de la Martinique (Palima)
– Pati Kominis pou Lendepandans ek Sosyalizm (PKLS)
Mā’ohi Nui (Polynésie française)
– Tavini Huiraatira (Tāvini huiraʻatira nō te ao māʻohi – FLP)
Bonnaire
– Human Right Watch
Sint Maarten
– One St. Martin