Après la fermeture de l’instruction pénale en janvier 2023 (Billet d’Afrique, 01/2023) et l’échec de deux questions prioritaires de constitutionnalité, seule la procédure devant les juridictions administratives pouvait encore permettre de voir l’État condamné pour ce crime colonial que fut l’empoisonnement massif de la population martiniquaise et guadeloupéenne au chlordécone entre 1972 et 1993. La décision rendue par la cour administrative d’appel de Paris ce 11 mars reconnaît la faute de l’État pour avoir renouvelé à partir de 1976 les autorisations provisoires de vente des produits au chlordécone, puis l’homologation de deux produits en 1986. L’État est également épinglé pour ne pas avoir pris en charge le traitement des stocks de cet insecticide après son interdiction définitive en 1993. Sans oublier sa réponse excessivement tardive et insuffisante face aux pollutions et troubles à la santé.
C’est la première fois que des victimes du chlordécone voient leurs souffrances ainsi reconnues. L’arrêt ouvre par ailleurs le champ des pathologies pouvant amener un préjudice moral d’anxiété. Pour autant, cette décision reste largement insuffisante. D’abord parce que seul·e·s onze requérant·e·s seront indemnisé·e·s, et que les sommes demeurent faibles – loin des 15 000 € réclamés pour chacun·e. Ensuite parce que les critères d’indemnisation sont restrictifs et peu représentatifs de l’expérience de violence subie. Plus de 30 ans après l’interdiction du chlordécone, le combat pour que justice soit rendue n’est pas achevé.