Le ministre des Outre-mer Manuel Valls a confirmé le 12 mars dernier, lors de son audition par la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, que la France allait inscrire dans la loi-programme sur Mayotte actuellement en préparation la construction sur place d’une nouvelle base militaire navale, ainsi que d’un nouveau commandement de gendarmerie. Des infrastructures qui renforceront la présence militaire dans les outremers, dont la « protection » est une priorité de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (voir notre édito de décembre 2024). La base navale sera sans doute installée dans le nord de Grande-Terre, car la base actuelle située à Dzaoudzi (Petite-Terre), en plus d’une capacité limitée, ne permet pas à la Marine nationale de lutter assez efficacement contre « l’immigration » venue des Comores. En septembre dernier, le préfet de Mayotte soulignait qu’actuellement « les intercepteurs […] mettent 45 minutes pour arriver sur la zone » (Mayotte la 1ère).
La réponse de M. Valls aura caressé dans le sens du poil la députée qui l’interpelait sur ces sujets, la très à droite Estelle Youssouffa. En revanche, elle méconnaît le droit international. Rappelons une fois encore que, entre le 21 octobre 1976 et le 28 novembre 1994, pas moins de quatorze résolutions des Nations unies ont réaffirmé la souveraineté de la République fédérale islamique des Comores sur l’île de Mayotte. Suite au référendum sur l’indépendance du 22 décembre 1974, les autorités françaises avaient interprété le résultat du vote île par île et conservé Mayotte dans le giron national. Malgré tout, le territoire est devenu en 2011 le 101e département français, dernière étape de ce processus de « colonisation consentie » – expression de Rémi Carayol dans son Mayotte, département colonie (La Fabrique, 2024).
Mayotte vit maintenant dans un climat de violence exacerbée, entre les colons venus de « Métropole », des Mahorais dérivant vers l’extrême-droite, et des Comoriens qui tentent de survivre. Il n’est pas certain que la direction de l’apaisement passe par les projets militaires et impérialistes annoncés par le gouvernement français. Ce n’est visiblement pas le but recherché : au cours de son audition, M. Valls a affirmé qu’il fallait « tracer des lignes rouges » face à l’État comorien « concernant par exemple sa non-reconnaissance de Mayotte comme un territoire français ».