Survie

À Mayotte, 
les rêves de l’extrême-droite deviennent réalité

rédigé le 1er mai 2025 (mis en ligne le 2 mai 2025) - Benoît Godin, Nicolas Butor

Le Rassemblement national (RN) en rêvait, la Macronie l’a fait. Ce mardi 8 avril, avec 162 voix pour et 93 contre, l’Assemblée nationale a définitivement adopté une loi restreignant encore les conditions d’obtention du droit du sol à Mayotte. Ce texte, porté par Les Républicains (LR) et soutenue par la majorité et les député·e·s RN, impose désormais que les deux parents résident sur le territoire français en situation régulière depuis au moins un an à la naissance d’un enfant pour que celui-ci puisse prétendre à la nationalité française – automatiquement à sa majorité, ou de façon anticipée à partir de treize ans.

Les député·e·s ayant voté cette loi invoquent bien évidemment la sempiternelle rengaine de l’immigration illégale comorienne à Mayotte, pour laquelle la perspective d’acquérir la nationalité française constituerait un « aimant » (Mediapart, 7/02/2025). Les mêmes arguments avaient d’ailleurs été déployés en 2018, quand une loi votée sous les auspices du gouvernement macroniste exigeait déjà que l’un des deux parents vive en France depuis au moins trois mois. Mais ce nouveau coup porté au droit du sol sur le territoire mahorais constitue un effroyable « cheval de Troie de l’extrême-droite », comme le rappelle l’ancienne ministre Dominique Voynet (Libération, 8/04/2025).

Depuis des années, le RN veut mettre fin au droit du sol sur l’ensemble du territoire français, et a déjà fait savoir qu’il voulait étendre cette mesure, en commençant par la Guyane. Une grande partie de la droite dite « républicaine » lui a emboîté le pas, à l’instar du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et d’Eric Ciotti, qui déclarait, enthousiaste : « Partout, sur le territoire national, nous devons supprimer le droit du sol ! » (Mediapart, 23/10/2024). L’objectif, à peine voilé, est in fine de liquider le droit du sol au profit du seul droit du sang, sur fond de spectre de la « submersion migratoire » et du « grand remplacement », deux concepts d’extrême-droite qui ne laissent pas indifférente la majorité présidentielle.

Une fois encore, les colonies, appelées pudiquement territoires d’Outre-mer aujourd’hui, se voient infliger les politiques les plus abjectes, avec des conséquences dramatiques. La première, c’est l’élaboration perpétuelle d’un véritable droit d’exception, dans la plus pure tradition coloniale, qui va de la rédaction du Code noir sous Louis XIV aux arrêtés préfectoraux autorisant l’usage du chlordécone aux Antilles (Billets d’Afrique n°331, 10/2023). La seconde, c’est l’expérimentation d’atteintes aux droits contre des populations en dehors de l’Hexagone qui peuvent ensuite y être importées, comme le détricotage du droit du sol aujourd’hui ou le « maintien de l’ordre » hier (comme la création de la BAC par Pierre Bolotte, passé par l’Indochine, l’Algérie et la Guadeloupe).

Si l’élargissement de cette mesure à l’ensemble du territoire reste pour l’heure un (dangereux) fantasme de toutes les droites, la nouvelle loi aura rapidement des conséquences concrètes et désastreuses pour la vie des Comorien·ne·s de Mayotte, comme la loi de 2018 avant elle (Mediapart, 21/05/2025). Pour des milliers d’entre eux et elles, souvent très jeunes, c’est une porte claquée dans la figure et la menace constante d’être expulsé·e·s aux Comores. Un pays qu’ils et elles ne connaissent souvent pas, après avoir vécu toute leur vie dans le 101e département français, plus que jamais dans la tourmente.

Nicolas Butor & Benoît Godin

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 347 - mai 2025
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