L’actuelle crise diplomatique entre d’un côté l’État français, la droite et l’extrême droite, et de l’autre le Pouvoir algérien, apportent un nouvel éclairage sur le racisme et le néocolonialisme français. Dans son rapport à l’Algérie, mais aussi à un espace plus grand : l’Afrique du Nord. Cette région à la fois africaine, arabe, musulmane et juive concentre toutes les ignorances et les racismes. Le 30 mars dernier à Paris, lors d’une conférence intitulée « D’ici et de là-bas : les liens entre la France et l’Afrique décryptés », coorganisée par Survie, l’économiste Omar Benderra, qui s’exprime aussi dans ce numéro, déclarait : « L’Algérie est un concentré de Françafrique ».
Si les rapports avec l’Algérie sont très conflictuels, et si les propos racistes du clan Le Pen ou de Retailleau sur les Algériens traduisent de vieux relents coloniaux, une forme d’amnésie traverse toute la société française à propos de la colonisation de ce pays. Pourtant, la transmission de la mémoire avance. Malika Rahal, interviewée par Médiapart le 8 mai 2025, citait une survivante de la bataille d’Alger en 1956 : « Tous les soirs il y avait des rafles de l’armée française, et il y avait des hommes qu’on ne revoyait jamais ». La directrice de l’Institut d’histoire du temps présent propose ainsi désormais une historiographie qui ne se base pas seulement sur les archives militaires, mais inclue le point de vue des victimes.
Depuis deux ans, les plus hautes autorités françaises ont affirmé leur « soutien » (Emmanuel Macron, 12/10/2023), et même leur « soutien inconditionnel » (Yaël Braun-Pivet, 10/10/2023) à l’actuel régime génocidaire israélien. Et la France arme même le génocide (Observatoire des multinationales, 7/01/2025). Les commémorations des génocides des Juif·ves et des Roms d’Europe, ou des Tutsis du Rwanda n’ont servi à rien. L’incapacité de la France à regarder en face son histoire la plus personnelle n’est-elle pas l’une des causes de cette complicité répétée ?
Les historien·ne·s s’accordent sur le chiffre de 900 000 morts en Algérie entre 1830 et 1870, soit un tiers de la population. La conséquence d’une guerre de conquête menée avec une violence extrême dans laquelle de nombreux dirigeants politiques et militaires français appelèrent à massacrer la population, et exprimèrent une haine délirante pour la culture arabo-musulmane. L’historien Olivier Le Cour Grandmaison parle, à propos de cette conquête, « d’extermination ». De là à parler de génocide ? Certains n’hésitent pas, à l’instar des historiens William Gallois et Youssef Girard ou de l’anthropologue Yazid Ben Hounet. Ce massacre de masse marque en tout cas le point de départ de la colonisation de l’Afrique et il est l’un des actes fondateurs de l’impérialisme français.
En 2025, l’État français ne veut toujours pas (re)connaître son histoire en Algérie, et il nous condamne à la revivre avec lui, tout comme il condamne Gaza à l’abandon. En quête de ressources en Afrique du Nord, il continue de s’accaparer et de polluer la Terre, comme avec les méga-projets d’hydrogène en Tunisie ou au Sahara Occidental, portés par une Union européenne qui s’aligne de plus en plus sur l’entreprise néocoloniale. Il continue de corrompre les bourgeoisies nationales qui se partagent les maigres prébendes laissées par les filiales des multinationales, organisent la répression des voix contestataires et servent de gendarmes des frontières. Il est l’un des acteurs principaux du complexe militaro-industriel qui déverse avions, navires et munitions dans les escarcelles du Makhzen, des chefs de guerre libyens, du maréchal Sissi – ou de l’armée génocidaire israélienne.
En Afrique du Nord, les peuples étouffent et cognent à la porte de l’histoire. Du Maroc à l’Égypte, et jusqu’en Palestine, décolonisons !