Survie

L’issue d’une marche qui aura fait entendre la cause du peuple sahraoui

(mis en ligne le 4 juillet 2025) - Roland Petit

Retour sur le terme des deux mois de la « Marche pour la liberté », qui aura permis de remettre en lumière le devenir du Sahara occidental, du peuple sahraoui et de ses prisonniers politiques.

Claude Mangin à Bordeaux le 10 avril 2025, dans le cadre de la Marche pour la liberté (photo : Elli Lorz).

Le 31 mai 2025 représentait une date cruciale pour la « Marche pour la liberté » menée par Claude Mangin, membre de l’AARASD (Association des amis de la république arabe sahraouie démocratique) et figure de la lutte pour l’autodétermination du peuple sahraoui. Après deux mois et plus de vingt étapes en France et en Espagne, la délégation – qui voulait rejoindre Tanger pour rallier ensuite la prison de Kénitra (au nord de la capitale Rabat) – embarquait à Tarifa sur un ferry espagnol. Des policiers marocains en civil étaient déjà à bord photographiant à tout va, mais aucun policier espagnol.

Claude Mangin était accompagnée de treize personnes, dont deux élus municipaux de la ville d’Ivry (où elle réside), une élue du Parlement d’Estrémadure et le coordinateur de la gauche à Cadix. Ceux-ci avaient en charge de présenter aux autorités marocaines les revendications de la Marche en faveur de la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis, de l’application du droit international (notamment en matière d’autodétermination) et de remettre à l’administration pénitentiaire marocaine les plus de 350 lettres écrites aux prisonniers lors d’ateliers d’écriture tout au long du chemin (le droit au courrier est un des innombrables droits bafoués pour les prisonniers sahraouis).

Si les marcheuses et marcheurs ont pu embarquer côté espagnol, ils et elles se sont vus en revanche refuser l’accès au sol marocain et ont été refoulés vers Tarifa (Algesiras) par le même bateau, sans qu’un seul papier officiel ne leur soit remis. « La délégation a non seulement été empêchée de descendre du ferry au port de Tanger mais a aussi fait l’objet de traitements abusifs de la part de la police marocaine », dénonce Claude Mangin. Le Maroc est donc souverain sur le sol espagnol, comme cela a été dénoncé par la délégation devant les députés espagnols qui l’ont reçue à Madrid à l’issue de la Marche, le 4 juin.

Encore interdite de visite à son mari

De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour condamner l’expulsion forcée de la délégation et dénoncer les tentatives répétées du régime marocain d’étouffer toute action de solidarité avec le peuple sahraoui, toujours en lutte pour l’indépendance de son territoire sous l’égide des Nations unies. Nous assistons là à une nouvelle atteinte aux droits humains : Claude Mangin se voit interdite pour la sixième fois le territoire marocain pour rendre visite à son mari, le défenseur des droits humains sahraouis, Naâma Asfari, arbitrairement incarcéré depuis 2010 au Maroc à l’instar de ses 18 compagnons du groupe dit de Gdeim Izik.

Cette « Marche pour la liberté » aura permis de nouer des contacts avec des milliers de militant·e·s, hommes et femmes engagé·e·s en politique. Par la voix de son initiatrice, elle a exhorté tous les élus rencontrés, les organisations de défense des droits humains en France, en Espagne et ailleurs à exiger que le Maroc libère immédiatement tous les prisonniers politiques sahraouis, détenus illégalement, comme l’ a demandé l’ONU en novembre 2023. Elle a rappelé que leur seul crime est de lutter pacifiquement pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Un droit légitime, selon les Nations unies, dont le conseil de sécurité a réaffirmé dans son rapport annuel d’activités, rendu le 30 mai 2025, que c’était là la seule voie à suivre pour mettre fin au conflit.

Dans le même temps, huit rapporteurs spéciaux de l’institution ont dénoncé la campagne persistante de répression, de discrimination raciale et de violence menée par le Maroc à l’encontre des défenseurs sahraouis des droits humains, des journalistes et des partisans du droit à l’autodétermination. Les experts onusiens exigent que le Maroc mette immédiatement un terme à ces agissements, respecte ses obligations internationales et garantisse au peuple sahraoui l’exercice plein et entier de son droit à l’autodétermination.

La France complice

La France, rappelons-le, ne respecte pas les préconisations onusiennes et ce alors même qu’elle est membre permanent du Conseil de sécurité. Ainsi, le mardi 15 avril, lors d’une rencontre avec son homologue marocain, M. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a réitéré la position pro-marocaine affirmée par Emmanuel Macron en juillet 2024 (Billets d’Afrique n°340, 10/2024). Le locataire du Quai d’Orsay redit un soutien « clair et constant » au « plan d’autonomie sous souveraineté marocaine », seul « cadre dans lequel cette question doit être résolue ». La France répète son engagement également « à accompagner les importants efforts du Maroc en faveur du développement économique et social » dans les « provinces du Sud » du Royaume (communiqué du 15/04).

Cela au mépris de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne du 4 octobre 2024, qui a rappelé que le Maroc et le Sahara occidental sont deux entités distinctes et prononcé l’illégalité de l’exploitation des richesses du Sahara occidental sans que le peuple sahraoui, via le Front Polisario, ait donné son consentement.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 349 - été 2025
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