Une main d’enfant tendue vers celle d’un astronaute. Clin d’œil attendrissant au plafond de la Chapelle Sixtine, l’affiche 2025 du Salon International de l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget suggère qu’on y vend du rêve. Un vernis cosmique pour dissimuler qu’on y vend en réalité la mort. Du 16 au 22 juin, l’un des plus grands marchés mondiaux d’armes exposait des biens à double usage : émerveiller les gamins aux portes de Paris, exterminer des générations entières à Gaza.
Insensible, comme en 1994 au Rwanda, à la dénonciation d’un génocide dont il permet lui-même la réalisation matérielle, et avare de protection envers ses ressortissant·e·s arrêté·e·s illégalement à bord du bateau humanitaire Madleen, l’État français s’est soudain rappelé l’existence du droit pour empêcher, la veille de l’ouverture du Salon, à cinq stands israéliens d’y exposer, les dissimulant in extremis par des bâches noires. Le résultat des pressions populaires et syndicales de ces derniers mois. Les entreprises souhaitant poursuivre leur implication dans un effort de guerre génocidaire auront cependant toujours le loisir de réseauter avec Israël via le SIBAT, le bureau en charge de la coopération internationale du ministère de la Défense israélien, épargné, lui, par cette opération de dissimulation.
Derrière ce coup de com’, la France reste complice de la campagne d’extermination et de colonisation que mène Israël dans les territoires palestiniens. Complice politiquement et économiquement, de par la matrice coloniale et islamophobe de ses élites. Si les courageux·ses dockers de Marseille ont stoppé début juin l’exportation vers Israël de matériel militaire qui aurait pu être utilisé contre des civils à Gaza, les influentes entreprises tricolores de l’armement ont toujours pignon sur rue au Bourget.
L’impunité perdure elle aussi. L’hypocrisie est d’autant plus criante que ces dernières semaines, la justice française a rejeté les demandes coordonnées par le collectif Droit et mouvements sociaux (créé pour que les associations puissent s’emparer des outils juridiques) et portées par Survie, Al-Haq, l’UJFP, Attac-France et Stop Fuelling War, d’exclure du Salon des entreprises impliquées dans des crimes internationaux. En particulier à Gaza, mais aussi en Ukraine et au Soudan. À l’image de l’action tenace de Survie pour une reconnaissance juridique des complicités françaises dans le génocide des Tutsis au Rwanda, les associations demanderesses, condamnées par le tribunal à verser 9 000 € de frais de justice aux organisateurs du Salon – qui a engrangé 150 milliards de dollars de contrat en 2023 –, sont déterminées à ne rien lâcher dans cette affaire et épuiseront tous les recours disponibles dans le droit français.
Cette impossibilité de faire appliquer le droit aux autorités et multinationales qui composent le complexe militaro-industriel a le mérite de dévoiler le vrai visage du Salon du Bourget, vitrine de la puissance impérialiste française scélérate et d’un système qui prospère sur une hiérarchisation des vies. Face à la banalisation des crimes d’État, des milliers de personnes se sont réunis aux portes du Bourget du 20 au 22 juin avec l’objectif d’enrayer l’industrie de la mort et de mettre en lumière les chaînes de responsabilités assassines à l’origine des guerres impérialistes. Un engagement qui s’inscrit dans l’esprit de François-Xavier Verschave, lui qui appelait à « donner valeur de loi au devoir de sauver les vivants ». Survie, au sein de la coalition Guerre à la guerre, entend maintenir une pression constante pour rompre le silence assourdissant sur la Françafrique et l’ensemble des complicités françaises de génocide, de crimes internationaux et néocoloniaux.