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L’union des droites sur le dos des Algérien·ne·s

(mis en ligne le 1er décembre 2025) - Nicolas Butor

C’est une nouvelle sale victoire pour le Rassemblement national (RN). Le 30 octobre dernier, pour la première fois de son histoire et avec la complicité des député·e·s Les Républicains (LR) et Horizons, le parti d’extrême-droite a réussi à faire adopter un texte à l’Assemblée nationale. Pas n’importe lequel : une résolution dénonçant l’accord franco-algérien de 1968. Entre les huées des bancs de la gauche et les cris de joie des parlementaires RN, un silence, celui des macronistes d’Ensemble pour la République (EPR), dont moins d’un tiers a estimé nécessaire de faire le déplacement au Palais-Bourbon.

Mais en quoi consiste cet accord, qui attire tant les foudres de la désormais largement actée « union des droites » ? Il organise la circulation et le séjour des ressortissant·e·s algérien·ne·s en France, avec un certain nombre de mesures spécifiques et théoriquement avantageuses, comme une procédure accélérée pour l’obtention d’un titre de séjour, un regroupement familial facilité ou encore une liberté d’établissement pour certaines activités. Outre le fait que cet accord n’était en réalité nullement philanthropique, car il s’inscrivait dans un contexte de forte demande française en main-d’œuvre, il constituait un recul par rapport aux accords d’Évian signés six ans plus tôt, et ne facilite qu’à la marge la vie des Algérien·ne·s par rapport aux autres étranger·e·s non européens. Quand il ne la rend pas carrément plus difficile (Mediapart, 30/10/2025)…

Dès lors, pourquoi le RN et la droite dite « républicaine » derrière lui tiennent-ils à tout prix à porter au pilori ce texte, même symboliquement (cette résolution n’est en effet pas contraignante pour Emmanuel Macron, le seul à posséder un pouvoir décisionnaire en la matière) ? La position du RN fondé entre autres par l’ancien Waffen SS Pierre Bousquet et le cadre de l’OAS Roger Holeindre, est somme toute assez peu surprenante. C’est celle d’un parti qui, plus de soixante ans après, n’a toujours pas digéré l’indépendance algérienne, comme en témoignait en 2022 à l’inauguration de la nouvelle législature le discours du député d’extrême-droite pied-noir José Gonzalez, qui s’était dit « arraché à sa terre natale par le vent de l’histoire » (Le Monde, 29/06/2022). On en pleurerait…

Mais ce que dévoile encore un peu plus l’adoption de cette résolution, c’est surtout la radicalisation d’un pan énorme de la politique française, cette « fusion des droites sur un terrain identitaire revanchard » (Mediapart, 30/10/2025) qui ne cache plus ses obsessions racistes et coloniales. Et tout cela avec l’accord tacite de la Macronie… voire avec sa bénédiction. Deux semaines avant l’adoption de la résolution, les députés EPR Mathieu Lefèvre et Charles Rodwell rendaient un rapport parlementaire dans lequel ils fustigeaient l’accord de 1968, au nom du principe d’« égalité » envers les autres étranger·e·s (Le Figaro, 15/10/2025). Les deux élus argumentant (attention, cette cascade est réalisée sans trucage par des professionnels) : « Plus le droit commun évolue, plus celui-ci devient discriminatoire pour les autres étrangers par rapport à celui applicable aux ressortissants algériens. » Le problème n’est donc pas que les législatures successives ont pourri la vie des personnes qui veulent venir et rester dans notre pays, non ! C’est manifestement que, malgré la violence administrative, la nostalgie coloniale, et la montée du fascisme, la vie des Algérien·ne·s de France n’est pas encore assez pourrie comme ça.

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