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Macron s’accroche à la RDC

(mis en ligne le 5 décembre 2025) - Raphaël Granvaud

La Conférence internationale sur la République démocratique du Congo (RDC) qui s’est tenue à Paris à l’initiative de l’Élysée vise davantage à réintroduire la France dans le jeu diplomatique qu’à venir en aide aux populations.

Le 30 octobre s’est déroulée à Paris une « Conférence internationale de Paris pour la paix et la prospérité », initiée par l’Élysée, à l’issue de laquelle le président Macron a annoncé une aide de plus de 1,5 milliard d’euros dans le cadre du plan de réponse humanitaire des Nations unies. Ce dernier, qui estime les besoins à 2,5 milliards d’euros, n’était pour l’instant financé qu’à hauteur de 16 %. Il s’agit notamment, selon les mots du président français, de ne « pas demeurer des spectateurs silencieux de la tragédie qui se joue dans l’est de la République démocratique du Congo ».

La situation des populations victimes des combats, de l’insécurité et de la privation de ressources est indéniablement catastrophique, et les ONG présentes ont salué une initiative permettant de remettre leur situation en lumière. Mais elles accueillaient également avec prudence les chiffres annoncés : pour une part importante, il s’agit en effet de dépenses déjà engagées ou de promesses déjà formulées, toujours sans garantie, ni échéancier précis.

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dans le « grand jeu »

Pire, la manie présidentielle des coups diplomatiques pourrait bien se révéler contre-productive. Souscrivant aux demandes du président congolais, Macron a en effet annoncé le redémarrage partiel de l’aéroport de Goma, sans lequel l’acheminement de l’aide humanitaire est compromis. Certains responsables d’ONG craignent désormais que cette annonce, non négociée préalablement, ne braque le mouvement rebelle M23 qui occupe la ville de Goma depuis fin janvier, ainsi que son parrain rwandais. De fait, tous les deux ont répliqué aux annonces de Macron par des déclarations acerbes, tout comme certaines figures de l’opposition congolaise en proie à une répression qui s’intensifie.

On peut malheureusement penser que l’initiative française était moins motivée par l’urgence humanitaire que par l’urgence de réinsérer la France dans le grand jeu diplomatique, voire économique. Paris, qui entretient une diplomatie équilibriste entre le Rwanda et la RDC, tente depuis longtemps d’organiser une rencontre directe entre les présidents des deux pays. En vain…

Initialement associés aux démarches des États-Unis et du Qatar dans ce dossier, les diplomates français se sont finalement retrouvés sur la touche quand Trump a imposé un accord politico-économique entre le Rwanda et la RDC, et que le Qatar a joué de ses relations économiques pour négocier un accord de cessez-le-feu entre la RDC et le M23. Sur le terrain, ces accords restent en réalité lettre morte et les combats se poursuivent. La France y a vu l’occasion de se rappeler au bon souvenir des différents protagonistes, et de revendiquer à nouveau un rôle de médiateur à égalité avec l’Union africaine, les USA et le Qatar.

Vernis africain, prétexte humanitaire

Reporté depuis plusieurs mois, le projet de conférence se heurtait notamment à l’hostilité du président angolais, João Lourenço, qui assure la présidence tournante de l’Union africaine et plaide en faveur d’une solution africaine. Lui-même a conduit pendant deux ans une médiation entre Kinshasa et Kigali qui a échoué, et qui en son temps déjà, avait été parasitée par les initiatives diplomatiques de la France. Paris a en revanche l’appui du président togolais, Faure Gnassingbé, désigné nouveau médiateur – plutôt passif jusque-là – de l’Union africaine, mais récemment parachuté « co-organisateur » de la Conférence par l’Élysée. Outre ce vernis africain, Macron a joué la carte de la grande conférence humanitaire pour légitimer son ingérence diplomatique, comme il l’avait déjà fait pour Gaza, le Liban ou le Soudan ces deux dernières années. Dans un contexte où les coupes drastiques de l’aide américaine sèment la panique parmi les ONG, l’initiative ne pouvait qu’être bien accueillie.

Mais politiquement, la conférence de Paris est loin d’être un succès. Outre le président togolais, le président congolais Félix Tsishekedi était le seul chef d’État présent alors que la Conférence affichait une ambition régionale. Ni le président rwandais, ni ses homologues burundais et ougandais, ni les chefs d’État des pays impliqués dans la crise à un titre ou un autre n’ont fait le déplacement.

La conférence également dite « pour la prospérité » comportait aussi un volet sur l’intégration économique régionale et les opportunités d’investissement. Difficile de ne pas y voir une tentative pour Paris de promouvoir les intérêts français alors que l’accord imposé par Trump comporte une dimension économique visant explicitement à greffer des intérêts américains sur les projets régionaux. Parmi ceux-ci, le projet frontalier de barrage hydroélectrique de Ruzizi III, dont TotalEnergies est récemment devenu actionnaire à hauteur de 20 %. Le seul pétrolier opérant en RDC est par ailleurs l’entreprise franco-britannique Perenco, bientôt jugée en France pour « préjudice écologique » en RDC. Si Macron se souciait réellement, comme il le proclame, des « déchirures d’une humanité blessée » dans les Grands Lacs, il pourrait commencer par l’empêcher de nuire.

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