Aujourd’hui 6 décembre 2007, une soixantaine de militants s’est rassemblée devant le Sénat à l’appel de 24 organisations françaises afin de dénoncer la participation de Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, au 5ème forum du développement durable organisé au Palais du Luxembourg.
Le président congolais intervenait en effet le même jour à la séance d’ouverture de ce forum intitulé « Un monde imprévisible » et organisé « sous le haut patronage de Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République ».
Si une quinzaine d’associations organisatrices de l’évènement ont bien envoyé une lettre ouverte aux sénateurs ainsi qu’aux participants du forum afin de les inciter à manifester leur réserve ou leur indignation face à cette participation, peu ont réagi publiquement.
Une présence scandaleuse
Pour les associations, Denis Sassou Nguesso n’a en effet pas sa place dans un tel forum. « C’est comme inviter le chef de la junte birmane à intervenir dans un forum sur les droits de l’Homme » a déclaré Odile Biyidi, présidente de l’association Survie, co-organisatrice du rassemblement. « Arrivé au pouvoir en 1997 par la un coup d’Etat militaire et à l’issue d’une guerre civile qui a fait de nombreuses victimes, Sassou Nguesso et son clan pillent allègrement les richesses du Congo (pétrole, bois, etc.) sources d’un enrichissement personnel colossal qui tranche avec les conditions de vie réelle au pays » a ajouté Benjamin Moutsila, délégué national de la Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD).
Les parlementaires français qui réclament plus de contrôle sur la politique étrangère peuvent-ils cautionner un tel cynisme diplomatique dans leurs propres murs, dans une enceinte censée incarner la représentation populaire ? Voir également ce forum organisé avec le soutien de multinationales comme Total, Bolloré ou Suez en a choqué plus d’un.
La photo de famille
Durant le rassemblement, les manifestants ont mis en scène une « photo de famille franco-congolaise » symbole pour elles d’un « partenariat pour le développement de la dictature durable dont profitent nombre d’entreprises françaises sponsors de l’évènement ».
Voici la présentation de cette famille faite au micro par un militant.
« - Dans la famille franco-congolaise, il y a le père :
Denis Sassou Nguesso, revenu au pouvoir par la guerre civile et auteur de nombreux crimes pour lesquels il est encore poursuivi aujourd’hui en France et grand spécialiste du développement durable avec l’exploitation du pétrole, cette source d’énergie non polluante, qui représente 82% des recettes budgétaires de l’Etat congolais.
Toutefois, tout cet argent ne va pas toujours dans les caisses de l’Etat mais est régulièrement détourné par l’ensemble du clan Sassou qui a ainsi creusé la dette publique du Congo qui s’élevait en 2005 à 6600 millions d’€ soit 113% du PIB. »
« - Ce clan Sassou est ici représenté par :
Denis Chrystel Nguesso, fils de Denis Sassou Nguesso, patron de plusieurs sociétés de commercialisation du pétrole (pour certaines basées dans des paradis fiscaux), il est notamment connu pour ses dépenses pharaoniques dans les boutiques de luxe de la capitale française grâce à l’argent détourné du pétrole. »
« Edith Bongo, fille de Denis Sassou Nguesso et femme d’Omar Bongo (dictateur du Gabon) : qui se ressemble s’assemble, l’union faisant la force. »
« Wilfrid Nguesso, neveu de Denis Sassou Nguesso, lui aussi dans les activités pétrolières qui lui permettent d’être un grand collectionneur de voitures de luxe (Porsche, Mercedes, BMW, Jaguar, et de posséder également une somptueuse Aston Martin DB9) »
« - Dans la famille franco-congolaise, il y a bien sûr le parrain :
Nicolas Sarkozy, Président de la République française, qui dit « apprécier » Denis Sassou Nguesso et être un ami d’Omar Bongo. Il les a d’ailleurs reçu tous les deux officiellement à l’Elysée à peine quelques semaines après son investiture à la tête de l’Etat français.
Loin de constituer une « rupture » tant déclamée par le président français, ces collusions avec ces deux amis dictateurs nous laissent plutôt présager une continuité dans le soutien de la France aux dictatures en Afrique, au grand damne des populations africaines. »
« - Enfin, dans la famille franco-congolaise, il y a les sponsors : de nombreuses entreprises françaises
En effet, nombreuses sont les entreprises françaises qui ont d’importants intérêts au Congo (notamment) et en Afrique en général. Total (pétrole), la CFAO (distribution), Bolloré (activités portuaires, transport), Bouygues (BTP), le Crédit lyonnais... sont établis au Congo de longue date.
Il faut dire que la France, qui est le 1er fournisseur du Congo, importe beaucoup de pétrole et de bois de ce pays. La France y est également le 1er créancier ainsi que le 1er investisseur.
C’est dire si les intérêts franco-congolais sont bien compris et bien partagés. C’est probablement la raison pour laquelle l’aide française au Congo a été portée à 115,8 millions d’€ pour 2007-2011, sans compter les allègements de dette commerciale qui se sont élevés à 65 millions d’€ en 2006 »
La manifestation s’est terminée sous les slogans contre la Françafrique et le régime criminel de Sassou Nguesso, slogans dénonçant en particulier la complicité de Nicolas Sarkozy.
Organisations signataires de l’appel a rassemblement
AFASPA (Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique), Les Amis de la Terre, ATTAC - Groupe Afrique (Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens), CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), CARE France, CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement), CEDETIM - IPAM, CRID (Centre de Recherche et d’Informations pour le Développement), CNT (Confédération Nationale du Travail), Fédération des Congolais de la Diaspora, Greenpeace, MBDHP/SF (Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples - Section de France), Mouvement des Indigènes de la République, MIR (Mouvement International de la Réconciliation), MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), Oxfam France / Agir Ici, Peuples Solidaires, La Plateforme Panafricaine, Réseau Foi et Justice Europe - Afrique (antenne France), Réseau “Sortir du nucléaire”, Terre des Hommes France, Transparence Internationale France, Sherpa, Survie...
Lien vers les photos du rassemblement de Gabriel Laurent sur phototheque.org