Survie

Le Burkina dans la Françafrique

Publié le 18 mars 2015

L’histoire de la Haute Volta, devenue le Burkina en 1984, est particulièrement mouvementée depuis l’indépendance, alternant soulèvements populaires, périodes de démocratie parlementaire (bien avant sa généralisation en Afrique), et coups d’Etat militaires. Mais ce pays est resté profondément marqué par la révolution entre 1983 et 1987, dirigée par Thomas Sankara, qui constitue aujourd’hui encore une référence pour beaucoup d’Africains en matière d’indépendance économique et politique.

Blaise Compaoré y avait mis un terme en 1987 en organisant, avec la complicité active de la Françafrique, l’assassinat de Sankara. Ce drame marqua le début d’une longue période d’assassinats politiques (dont celui, emblématique, du journaliste Norbert Zongo en 1998) et d’opérations de déstabilisation dans la région. L’ex-président burkinabè a en effet soutenu activement les milices de Charles Taylor au Liberia et en Sierra Leone, participé à des trafics de diamants au profit du mouvement rebelle angolais UNITA, abrité les « rebelles ivoiriens » avant qu’ils ne déclenchent la guerre dans leur pays en 2002, et entretenu des liens avec les groupes armés ayant déstabilisé le Mali en 2012.

Depuis la mort de l’ivoirien Houphouêt-Boigny (voir p. 17), Blaise Compaoré était devenu un pilier de la Françafrique dans la région, notamment par la caution africaine qu’il apportait à la France.

Franc-maçon, il bénéficiait d’un réseau d’influence hérité tant de Foccart que de Mitterrand, actif par exemple au sein de l’Association d’amitié France- Burkina créée par le socialiste Guy Penne en 2006, et du Conseil international de Solidarité avec le Burkina-Faso (CISAB) créé dès 1987 pour « “rectifier” l’image d’un pays et d’un homme », selon son fondateur Jean Guion.

Assuré de puissants soutiens, tels une Ségolène Royal assurant en 2011 que le Burkina pouvait « compter sur [elle] pour redorer son image » ou un Laurent Fabius vantant en 2012 des « relations excellentes » avec la France, Compaoré avait su habilement tolérer une relative liberté d’expression et un multipartisme de circonstance pour exposer une façade démocratique. Choisi pour jouer au médiateur entre le pouvoir militaire et l’opposition au Togo puis en Guinée, mais aussi entre l’État et des mouvements armés en Côte d’Ivoire puis au Mali, il avait été reçu par François Hollande à l’Élysée dès septembre 2012.

Et lorsque la persévérance de militants et l’exaspération du peuple burkinabè ont mené à son renversement populaire, fi n 2014, c’est l’armée française qui l’a exfiltré hors du pays, le soustrayant à la justice...

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