Survie

Adieu Alexandre

Publié le 10 octobre 2001 (rédigé le 10 octobre 2001) - Survie

L’écrivain Mongo Beti est décédé dans la nuit du 7 au 8 octobre. Il laisse son peuple, et nombre d’entre nous bien au-delà des frontières du Cameroun, orphelins d’une grande plume et d’un grand combattant pour la vérité et pour la justice.

Notre ami Alexandre Biyidi-Awala nous a quittés. Nous trouvons difficilement les mots pour dire notre peine, pour exprimer combien il nous manque déjà, combien il nous manquera toujours. Du jour où nous avons eu le grand privilège de compter parmi ses amis, nous avons été plus forts devant toutes les difficultés d’un combat commun.

Alexandre Biyidi nous a quittés mais ses fulgurants écrits restent, son engagement contre le néocolonialisme français sera relayé et son souhait d’une Afrique "libérée des apriorismes réducteurs" et "résolument décidée à ouvrir des chemins nouveaux et exemplaires dans la création" aboutira. Les douze ans de publication de sa revue Peuples Noirs, Peuples Africains sont la principale contribution en langue française à ce projet.

Sous le nom de Mongo BETI il reste le paradoxal écrivain francophone dénonçant une francophonie du "degré zéro de la décolonisation". Il est le premier à avoir révélé au grand jour la "mafia foccartiste en Afrique" et son arme la plus redoutable "le silence, dont la loi implacable étranglait sans recours le peuple camerounais." Il est aussi le premier dans ce combat à avoir obtenu que la justice blâme sans ménagement l’État français lors de la tentative en 1972 du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin de censurer la parution de Main basse sur le Cameroun. Éclatante victoire qui aurait pu mettre un terme à la destructrice françafrique, si elle n’avait été couverte par le silence des médias français. En effet, dès le début des années 70, Mongo BETI dénonçait les dérives criminelles de la politique africaine de la France en enquêtant sur les massacres commis par l’ex-coloniale en pays Bamiléké, plus de vingt ans avant ses complicités dans le génocide au Rwanda.

Pour circonscrire cet écrivain impossible à compromettre ou à manipuler, Raymond Marcellin tenta de lui retirer sa nationalité française. Dix ans plus tard Paul Biya, tentera à son tour de lui ôter sa nationalité camerounaise. Mongo Beti avait promis d’être de retour au Cameroun le jour où un organe de presse lui permettrait de déclarer son opposition totale à un pouvoir à la solde d’une "France contre l’Afrique". L’héroïque journal camerounais Le Messager de Pius Njawé lui a apporté cette assurance. Malgré les humiliations, les intimidations et les violentes agressions en plein jour, Mongo BETI demeurera jusqu’à sa mort auprès de ses amis voués à la construction d’un Cameroun sorti exsangue d’une colonisation sanguinaire et d’une fausse indépendance tout aussi meurtrière.

Une fois encore la mort nous prive d’un être dont l’amitié nous était indispensable et le soutien inestimable. Nous sommes extrêmement tristes mais nullement découragés. Il n’y a pas de mort politique pour des Hommes tels que Alexandre. Les justes sont immortels.

Adieu Alexandre, et à bientôt. Tu es à jamais à nos côtés dans toutes les luttes auxquelles tu as donné un sens.

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