Survie

Cameroun (mai 2003)

Publié le 29 mai 2003 - Odile Tobner

Nord Cameroun - Nigeria

Depuis qu’ils ont déclaré, en septembre 2002, leur intention de lancer un parti politique, des personnalités originaires de la province du Grand Nord du Cameroun, trois anciens ministres Dakolé Daïssala, Issa Tchiroma, Antar Gassagay et un ex vice -Président du SDF (Social Democratic Front), Maïdadi Seidou, voient interdire les réunions qu’ils veulent tenir pour élaborer un Memorandum sur les problèmes de cette province. A Yaoundé, au début de l’année 2003, ils n’ont pu tenir au Hilton la réunion prévue, repliés au domicile de l’un d’eux, ils ont vu ce domicile entouré de forces de gendarmerie et de police pour en contrôler l’accès et les occupants. Au mois de mai ils ont été retenus à la préfecture de Maroua où ils avaient été convoqués pour se voir notifier l’interdiction de réunion. Ces escarmouches traduisent la susceptibilité du pouvoir en place à l’égard de toute forme de contestation politique tant soit peu organisée.

Ce mouvement pourrait trouver une aide financière auprès du Nigéria voisin. Il est vrai qu’en certains points du nord Cameroun, limitrophes du Nigéria, les échanges se font en naïras, la monnaie du pays voisin, dont provient l’essentiel des marchandises qui circulent. Le prix élevé de l’essence au Cameroun, 445 FCFA le litre (le salaire minimum en théorie est d’environ 25 000 FCFA) pour un pays pourtant producteur de pétrole, provoque notamment, sur toute la longueur de la frontière avec le Nigéria, une intense contrebande de zoua-zoua, carburant vendu dans des jerrvcans au bord des routes. Le commerce des produits fabriqués, mécaniques, électriques, électroniques, pharmaceutiques, alimentaires, passe au Cameroun par des filières nigérianes, pour l’approvisionnement et la distribution au plus grand nombre. Contribuant à la vie économique, le Nigéria peut aussi aider à animer la vie politique, dans un pays paralysé, économiquement et politiquement, par les circuits de la corruption.

Cameroun - Presse et pressions

« Le Messager » de Pius Njawe, pionnier du journalisme de la presse dite « privée », semble toujours dans la ligne de mire du pouvoir. Depuis sa création, à la fin des années quatre vingt, il a connu des procès, des arrestations, la condamnation de son directeur à une peine d’emprisonnement. Depuis le début de l’année 2003 les ennuis s’accumulent. Ce fut d’abord, en février le cambriolage de ses bureaux, avec l’enlèvement d’un coffre-fort. Voici que l’équipe qui animait le second titre maison « Le Messager-Popoli », démissionne et lance « Le Popoli ». Traitant l’actualité en bandes dessinées satiriques, Le Messager-Popoli s’était fait une place dans le maigre marché des journaux écrits. Enfin la nouvelle radio « Freedom-FM », lancée par « Le Messager », a dû faire face à une incursion de la police, la veille de son ouverture. « Le Messager » n’est pas le premier groupe de presse à avoir sa radio. Mais il est peut-être plus indépendant que d’autres, d’où la sollicitude à son égard.

Cameroun - Pillage des forêts

Trois ONG, l’une camerounaise, le Centre pour l’environnement et le développement (CED), Greenpeace Pays-Bas, et la dernière britannique, Forest Monitor, ont dénoncé des exploitations illégales de la forêt par des entreprises néerlandaises Wijma, Reef, ou camerouno-néerlandaise, Cibec, qui ne respectent pas le territoire de coupe alloué et saccagent les cultures paysannes. D’autres entreprises appartenant au groupe Hazim et au groupe Rougier l’avaient déjà été par le passé. Une plainte a même été déposée en France par des paysans camerounais spoliés, soutenue par l’association " Les amis de la Terre " qui s’est constituée partie civile. La moralisation du secteur forestier se heurte à la faiblesse d’une administration velléitaire, incapable de contrôler les puissances intéressées. L’ambition d’établir la transparence dans tout ce qui concerne la filière bois, en commençant par les procédures d’attribution des permis de coupe, avant même leur mise en œuvre, semble bien être du ressort du vœu pieux, formulé benoîtement par toutes les parties en présence, pour satisfaire les recommandations des organismes internationaux.

ELF-Cameroun

L’affaire ELF a mis au jour de singulières opérations liées au pétrole camerounais, domaine de Sirven dans la compagnie. En 1992 une opération de préfinancement gagée sur le pétrole, pour 45 millions de francs, a donné lieu à un retour de 15 millions, qui ont atterri, via Rivunion à Genève, sur des comptes de Sirven. Au même moment 10 autres millions d’origine indéterminée surgissaient également. On s’explique difficilement une telle générosité de la part des dirigeants d’un pays pauvre très endetté. On peut rêver du jour où les citoyens camerounais seraient capables de porter plainte contre ELF et contre les dirigeants félons qui ont appauvri le pays de concert.

OB

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