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Prétendue élection sur fond de guerre au Cameroun : qu’en dit la France ?

Saisie d'écran du site de campagne du "candidat" Paul Biya
Publié le 8 octobre 2018 - Survie

Au Cameroun, le vieux dictateur Paul Biya, qui avait pris le pouvoir en 1982 grâce à la France, entend bien fêter son 36ème anniversaire de pouvoir depuis le palais présidentiel : tout était prêt, en amont de la prétendue "élection" de dimanche 7 octobre, pour que le parti au pouvoir confisque les résultats d’un processus électoral qui n’en a que le nom. En parallèle, la guerre fait rage dans les régions anglophones. Et la France, qui va comme de coutume reconnaître la "victoire" de Biya, maintient sa coopération policière et militaire avec le régime.

La pseudo élection présidentielle de ce dimanche 7 octobre a deux conséquences :

  • Elle a fait à nouveau naître chez une partie des Camerounais l’espoir de se débarrasser de Paul Biya, notamment après l’alliance de deux des principaux opposants à la veille du scrutin
  • Elle permet surtout de mettre en lumière la guerre que mène le régime depuis plus d’un an dans les régions anglophones, où les représailles contre la population ont déjà provoqué l’exode de 300 000 déplacés internes et 40 000 exilés au Nigeria selon l’ONU.

C’est le sens de cette vidéo diffusée par Survie le 8 octobre, pour interpeller les Français sur la situation dans ce pays et sur la responsabilité française.

En amont de cette élection, Survie avait :

  • publié dans son rapport sur la coopération policière et militaire en Françafrique, une étude de cas sur la coopération policière et militaire avec le Cameroun (voir pp.45-52)
  • décrypté la façon dont Emmanuel Macron et le gouvernement avaient réaffirmé le soutien de la France au régime, lors de la visite du ministre délégué aux Affaires étrangères à Yaoundé fin juin, puis lors d’une interview début juillet. Voir cet article "Cameroun : le choix de la France", publié en juillet dernier dans notre journal Billets d’Afrique ;
  • interpellé les autorités françaises, dans une tribune collective publiée dans La Croix, initialement intitulée "Au Cameroun, pendant l’illusion présidentielle, la guerre fait rage". Elle a été cosignée avec Jean-Marc Bikoko, coordinateur de Tournons La Page – Cameroun, Thomas Deltombe, co-auteur "La guerre du Cameroun" (La Découverte, 2016) ; Joël Didier Engo, président du Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P ; Gustave Massiah, membre fondateur du CEDETIM ; Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) ; Odile Tobner, co-éditrice avec Mongo Beti de la revue Peuples Noirs Peuples Africains.

Extrait :
Les crimes commis à l’Extrême-Nord et les massacres dans les régions anglophones sont, depuis le début, tolérés voire avalisés au nom de la "guerre contre le terrorisme", par une partie des Camerounais francophones qui croient voir en leurs compatriotes des "ennemis de l’intérieur" au service d’occultes puissances étrangères, mais aussi et surtout par les alliés du Cameroun – dont la France, qui au nom de la lutte contre Boko Haram, maintient sa coopération militaire avec ce régime criminel. Ce dernier, face à l’effondrement général du pays dont il est la cause, trouve encore le moyen d’instrumentaliser dans son propre intérêt les dissidences armées qu’il a provoquées par son mépris et la répression. Il est urgent que les pays qui se targuent de défendre les droits de l’Homme, dont la France qui a en fait toujours privilégié ses intérêts économiques et stratégiques, rompent toute coopération militaire et policière avec ce régime et prennent des sanctions personnelles contre ses dirigeants. Sinon ceux-ci persévéreront dans la répression permanente, couverte par le silence international : la répression armée de toute forme de rébellion, doublée de la répression électorale et pseudo-démocratique d’un peuple martyr.

Sur l’histoire récente des relations France-Cameroun, voir aussi la partie sur ce pays dans le dossier publié en juillet 2015, au moment de la tournée africaine de François Hollande.

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