Ce mardi 12 août, par une lettre au président camerounais, Emmanuel Macron « reconnait » que la France a mené une guerre au Cameroun avant et après l’indépendance formelle de 1960. Une reconnaissance en trompe l’œil.
Il n’y a en réalité pas vraiment de « reconnaissance ». Le président français ne dit rien qu’il n’avait déjà dit lors de l’annonce de la création d’une « commission mixte » à l’été 2022 (commission Ramondy-Bassy). Il avait déjà publiquement parlé de « guerre ».
Pour aborder la question d’un fait historique aussi grave et aux conséquences aussi collectives, Macron choisit une lettre personnelle à Paul Biya, savamment fuitée par l’Elysée, à un président de plus en plus illégitime (pour ne pas dire fantôme). Ici, aucun message ouvert, public, adressé à tous les Camerounais, mais une énième opération de communication.
Cette lettre est envoyée quelques semaines avant une « élection » présidentielle camerounaise extrêmement problématique, conçue pour reconduire au pouvoir le vieux dictateur de 92 ans, alors que la candidature du principal opposant, Maurice Kamto, vient d’être opportunément invalidée début août.
Biya, héritier direct du système néocolonial mis en place par cette « guerre du Cameroun » apparaît ainsi comme le défenseur des victimes de cette guerre alors qu’il en a été un profiteur.
Il s’agit au final d’un simulacre : faire comme si on « reconnaissait » quelque chose alors qu’on ne reconnaît rien d’autre que des secrets de Polichinelle. Comme la commission Ramondy, Emmanuel Macron évacue la notion de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pourtant nombreux au cours de ce conflit. Aucune reconnaissance par exemple de l’assassinat du dirigeant nationaliste Félix Moumié, pourtant empoisonné en octobre 1960 par… un agent des services secrets français !
À l’instar de la commission mixte qu’il a lui-même mis en place, Macron « oublie » aussi de reconnaître les objectifs de cette guerre, qui a eu pour résultat l’instauration d’un régime néocolonial et autocratique, celui-là même dont Paul Biya a hérité lors son de son accession à la présidence du Cameroun en 1982. La coopération sécuritaire française avec la dictature camerounaise se poursuit d’ailleurs sans discontinuer jusqu’à aujourd’hui.
Tout cela constitue ainsi une insulte aux Camerounais qui pourraient légitiment s’attendre à ce que le chef de l’État français fasse un acte de reconnaissance beaucoup plus solennel et engage un processus concret de réparation pour ce crime historique avéré qu’est la guerre du Cameroun.