Les 1er et 2 août derniers à Djibouti-ville, une brutale campagne de répression menée par les forces de sécurité, épaulées par de jeunes Issa, a visé des membres de la communauté Afar. Ces violences, qui ont fait 15 morts et des dizaines de blessés selon le dernier rapport de la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH), n’ont guère suscité de réaction de la communauté internationale, qui avalise ainsi de manière tacite le discours des autorités, qui présentent ces évènements comme un nouvel épisode de « violences intercommunautaires ».
Depuis plusieurs mois, la police se livre à une véritable traque à l’encontre des Afar dans les faubourgs de Djibouti-ville. La tension est montée d’un cran au début du mois de juillet quand des dizaines de jeunes Afar peuplant les quartiers déshérités de Warabaleh et de PK 12, sont brutalement arrêtés par la police suite au meurtre d’un membre de la communauté Issa. Depuis, violences policières, détentions arbitraires et tortures se multiplient contre les Afar, sur fond de tensions intercommunautaires entre ces derniers et les Issa.
Début août, un cap a été franchi lorsque des policiers en civils, aux côtés de jeunes Issa, ont incendié plus de 250 habitations appartenant à des Afar. Les heurts se sont poursuivis jusqu’au lendemain, la manifestation dénonçant les violences policières de la veille ayant elle-même été durement réprimée. Le bilan humain, déjà lourd, pourrait s’aggraver, une trentaine de personnes étant toujours portées disparues selon la LDDH.
Selon l’avocat Mohamed Abayazid, « la police a failli à sa mission de maintien de l’ordre public et a pris parti dans cette tragédie » [1]. Ces violences, présentées par le pouvoir djiboutien comme la manifestation de tensions intercommunautaires anciennes, sont en réalité entretenues et instrumentalisées par le régime d’Ismaïl Omar Guelleh. Au pouvoir depuis 22 ans et récemment réélu pour un cinquième mandat lors d’un simulacre d’élection [2], le dictateur djiboutien n’a eu cesse de raviver les tensions intercommunautaires latentes dans certaines régions, afin de se présenter comme le garant de la stabilité de ce petit Etat de la corne de l’Afrique. Cette stratégie du pompier-pyromane risque d’engendrer un cycle infernal de violences entre les différentes communautés, dénonçaient les membres de la Charte pour une Transition Démocratique à Djibouti (CTD) dans un appel au calme publié au début de ces évènements [3]. Cette énième campagne de répression n’a suscité aucune réaction des « partenaires » du régime djiboutien – au premier rang desquels la France – soucieux de ne pas perdre leur place dans un hub militaire stratégique désormais ouvert à la concurrence.
Vous pouvez retrouver le rapport de la Ligue Djiboutienne des Droits Humains sur ces évènements ici.
[2] Voir : https://survie.org/pays/djibouti/article/elections-presidentielles-sans-enjeu-a-djibouti