Appelés aux urnes le dimanche 23 janvier pour le 1er tour des élections législatives et de l’élection présidentielle, les Centrafricains ont subi, dans l’indifférence générale, une mascarade électorale de plus. L’association Survie, qui lutte inlassablement contre l’impunité de la Françafrique, dénonce le soutien des autorités françaises et l’absence de réaction des autorités européennes au maintien de la dictature de François Bozizé, soi-disant réélu avec 66,08% des suffrages. Paris, Bruxelles et l’ONU, en se concentrant sur la seule Côte d’Ivoire, prouvent une nouvelle fois l’intérêt sélectif porté aux élections présidentielles en Afrique.
La Centrafrique vit depuis 1960 sous le signe de la violence, inaugurée par la disparition du « père fondateur de la République centrafricaine » Barthélémy Boganda. Sous la férule actuelle de François Bozizé, arrivé au pouvoir en 2003 par un coup d’État, on ne compte plus les exactions des forces de l’ordre contre la population et les assassinats politiques, l’impunité étant la règle. Ainsi, la famille du président de la Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme, le très courageux Goungaye Wanfiyo, attend toujours une enquête sur le trop suspect accident de la route qui lui a coûté la vie en décembre 2008. Par ailleurs, les demandes de l’opposition d’une enquête internationale sur la disparition en janvier 2009 du chef rebelle Charles Massi, enlevé au Tchad, livré à la garde présidentielle de François Bozizé et présumé mort sous la torture, sont restées sans suite. Cela n’a pas empêché les militaires français de soutenir François Bozizé contre plusieurs rébellions armées, y compris en prenant part aux combats, comme en 2006 et 2007, aux côtés des forces armées centrafricaines, qui pourtant commettaient sous leurs yeux de graves exactions contre les populations civiles. Cela ne dérange pas non plus des investisseurs français comme Areva d’y conclure des contrats prometteurs, introduits en affaires à Bangui par les très françafricains Patrick Balkany – député UMP – et Fabien Singaye – conseiller de François Bozizé –.
Survie s’indigne que des institutions et des gouvernements qui prétendent défendre la démocratie restent muets devant le déroulement de ces élections : organisation du scrutin bâclée, absence d’affichage de listes électorales, vote par procuration abusif, nombre de votants sans rapport avec le nombre d’inscrits, bourrages d’urnes ou fausses urnes, étrangers en possession de fausses cartes d’électeurs, etc. Le fiasco, dénoncé par plusieurs opposants qui souhaitent déposer des recours devant la Cour constitutionnelle, était malheureusement prévisible. En effet l’ambassadeur de France à Bangui a depuis des mois affiché un soutien sans faille au président-dictateur sortant, confirmé par le nouveau ministre de la Coopération Henri de Raincourt qui déclarait début décembre « qu’une campagne électorale comme elle se déroule [partout] où la démocratie est le système politique en vigueur, peut maintenant s’engager ».
Cette attitude complaisante des autorités françaises est la même que lors des élections truquées en 2009 au Congo-Brazzaville, au Gabon et en Tunisie, ou en novembre 2010 au Burkina Faso, qui ont permis de reconduire des dictateurs notoires dans des pays où l’influence française, économique et politique, reste déterminante. L’Union Européenne finance la mascarade électorale centrafricaine avec le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) pour 9,5 millions d’euros sur 16 millions du coût total mais n’a pas envoyé de Mission d’Observation. Dans cette contribution la France apporte 500.000 euros, à la fois pour la CEI (Commission Electorale Indépendante) et pour l’observation par l’Organisation Internationale de la Francophonie, qui a l’habitude de valider les résultats escomptés en émettant quelques vagues réserves sur des irrégularités jugées mineures. Ces sommes sont comptabilisées dans l’aide européenne.
La situation géographique de la Centrafrique et ses ressources (diamants, uranium, bois, ivoire) en ont fait un terrain de prédilection que la France s’est toujours efforcée de contrôler étroitement, privant le peuple centrafricain de toute possibilité de se constituer en État indépendant. Ce pillage organisé condamne les habitants à la misère et à la violence, tandis que le clan au pouvoir s’enrichit scandaleusement en vendant les ressources du pays aux exploiteurs étrangers. Contribuer à la reconduite de ce système est criminel.
L’association Survie demande que les autorités françaises et européennes :
– cessent enfin de soutenir par tous les moyens un régime prédateur fondé sur la violence,
– favorisent l’émergence d’un État de droit incluant la fin de l’impunité pour les criminels de guerre présents en Centrafrique,
– conditionnent le financement d’élections à la tenue d’un processus électoral qui garantisse réellement des élections non frauduleuses.
Contact presse : Stéphanie Dubois de Prisque stephanie.duboisdeprisque(a)survie.org 01 44 61 03 25