Courrier pour la création d’une Commission d’enquête parlementaire sur le rôle de la France au Tchad adressé aux membres de la Commission des Affaires Etrangères, de la Commission de la Défense, aux présidents des groupes parlementaires, au président du groupe d’amitié France-Tchad et au président de l’Assemblée nationale.
Pour appuyer cette démarche, nous vous invitons à relayer ce courrier auprès du député de votre circonscription.
Paris le 11 mars 2008
Objet : demande de création d’une Commission d’enquête parlementaire sur le rôle de la France au Tchad
Madame, Monsieur,
Nos associations suivent avec une extrême inquiétude la dégradation continuelle de la situation politique et des
droits de l’Homme au Tchad depuis plusieurs années et dénoncent l’usage régulier de la violence dans le
maintien ou pour l’accession au pouvoir dans ce pays.
L’engagement militaire, diplomatique et politique de la France a été déterminant dans le maintien au pouvoir du
régime du Président Idriss Déby Itno ces dernières années, principalement pour repousser les attaques
rebelles sur N’Djamena en avril 2006 et en février 2008.
Entre avril 2006 et février 2008, la France, sous couvert de son accord de coopération technique militaire, a
fortement armé le régime de Déby : livraison de véhicules blindés belges (AML) et d’avion suisse (Pilatus PC-
7), contrat de missiles, en contradiction avec le Code de conduite de l’Union européenne.
De nombreux témoignages mettent en doute la version officielle de la France quant au degré de son
intervention lors de ces deux offensives rebelles. Aux plus forts des combats, les 1er, 2 et 3 février 2008, la
France a assuré un soutien multiforme sans faille au Président Déby :
Nous constatons que ce soutien inconditionnel au régime de Déby comme garant de la stabilité du Tchad est
un échec. Après avoir réussi à repousser l’offensive des rebelles sur N’Djamena, le régime du Président Idriss
Déby Itno a fait arrêter trois des principaux opposants démocratiques, dont un est toujours porté disparu, et
entrepris des actes d’intimidations à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes
indépendants. Aujourd’hui, l’accord électoral du 13 août 2007 est caduc. Seul un dialogue national approfondi
tourné vers la paix et la réconciliation, comme le propose le Comité de suivi de l’appel à la paix et à la
réconciliation nationale au Tchad, est en mesure d’empêcher une prise du pouvoir par la force et d’assurer une
stabilité à long terme.
En cette période cruciale de refonte de la politique de la France en Afrique, il nous semble indispensable de
rendre davantage transparents les agissements de la France au Tchad. Ce souci de clarté affiché par la
Président Nicolas Sarkozy le 28 février lors du discours du Cap en Afrique du Sud doit maintenant se
matérialiser par des actes concrets.
A cet effet, nous pensons nécessaire que le Parlement français se saisisse pleinement de ce dossier et crée
une commission d’enquête pour établir la vérité sur l’implication de la France dans le conflit tchadien.
Cette commission pourrait faire remonter ses investigations à l’année 2005, année charnière au cours de
laquelle la constitution tchadienne a été amendée pour permettre au président de se présenter une troisième
fois, alors que le parlement tchadien modifiait la loi 001, dispositif législatif destiné à contrôler l’utilisation des
revenus pétroliers pour éviter leur détournement et leur utilisation à des fins militaires. Ces mesures, perçues
comme autant de provocations ont suscité une vague d’hostilité contre le régime et le déclenchement de
rebellions armées.
Il est donc primordial qu’une commission d’enquête aborde :
Sur le plan diplomatique et politique
Sur le plan militaire :
Nous vous demandons donc d’agir dans ce sens et de peser de tout votre poids pour que cette Commission
d’enquête parlementaire soit instaurée.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de notre
considération distinguée.
Signataires : Acat-France, Survie, Secours catholique, Réseau Foi et Justice, groupe Afrique d’ATTAC, Cédétim/Ipam, Peuples solidaires, Mouvement de la paix.
Téléchargez le courrier
Les associations signataires du courrier sont membres de la Plateforme citoyenne France-Afrique. Lancée en
juillet 2007, cette Plateforme regroupe une dizaine d’organisations de solidarité internationale qui souhaitent
promouvoir auprès des pouvoirs publics une politique de la France en Afrique responsable et transparente,
émancipée des écueils du passé. La Plateforme a notamment publié un Livre blanc pour une politique de la
France en Afrique responsable et transparente (L’Harmattan)