Survie

Election présidentielle au Tchad. Campagne "Non à l’aide au développement d’élections truquées"

Publié le 1er mai 2001

Avec le soutien de :
 l’Observatoire Permanent de la Coopération française
 Les Amis de la Terre
 Greenpeace

De nouvelles élections présidentielles sont prévues au Tchad pour le 20 mai 2001.

Une dépêche AFP du 8 février 2001 nous rapporte les propos tenus par le ministre français de la Coopération Charles Josselin : " J’ai confirmé au Président Idriss Déby le soutien de la France pour les prochaines élections présidentielles, et nous souhaitons comme lui des élections transparentes. "

Selon le ministère tchadien des Affaires étrangères, cette aide consistera en une contribution au budget de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) tchadienne. Si l’on ne connaît pas encore la hauteur de cette contribution, de nombreux éléments conduisent à craindre que la transparence que M. Josselin appelle de ses voeux ne sera pas au rendez vous. Tout porte à croire, au contraire, qu’il s’agit de reconduire un régime assassin et frauduleux.

OBJECTIFS DE CETTE CAMPAGNE

Nous demandons :
 aux parlementaires français qu’ils interpellent le gouvernement et le Président de la République pour que la France cesse son soutien à la "réélection" du dictateur tchadien Idriss Déby.
 au pouvoir exécutif français qu’il s’explique sur les raisons de son appui au régime tchadien, symptomatique de sa complicité avec nombre de pouvoirs dictatoriaux africains.

Le minimum de règles du jeu qui aurait pu empêcher en 2001 la reconduction de la fraude de 1996 a été refusé par Idriss Déby :

 Lors du recensement électoral, réalisé par la Commission nationale de recensement électoral (formée en majorité de sympathisants du parti au pouvoir), les proches du MPS (Mouvement patriotique du salut, parti de Déby) ont été l’objet d’un recensement multiple. Les tchadiens de l’intérieur comme de l’extérieur membres des partis d’opposition n’ont pas été recensés comme il se doit.

 La CENI (dont la fonction est d’assurer la transparence de l’élection) est exclusivement formée par des membres du MPS et ses alliés. Au total, sur 31 membres de la CENI et de la CNRE, 29 appartiennent à la DCO, contre 2 qui se réclament de l’opposition et qui ont refusé de siéger compte tenu du déséquilibre.

Le régime d’Idriss Déby a été installé fin 1990 par la France, son armée et ses services secrets, sur fond d’enjeu pétrolier. Il s’est depuis signalé par la systématisation de la terreur, la banalisation de la torture et du viol, la répétition des nettoyages et massacres ethniques - des crimes contre l’humanité. Les exactions de sa garde présidentielle clanique restent toujours impunies. Les assassinats et massacres de rebelles ralliés font sans cesse resurgir de nouvelles rébellions, renaître des guerres civiles ruineuses.

En fait, le " seigneur de la guerre " Déby veut accaparer la rente du pétrole du Sud tchadien, bientôt en exploitation grâce à la construction, très controversée, d’un long pipeline. Les compagnies pétrolières, américaines comme françaises estiment moins coûteux de soudoyer un tyran brutal que de rémunérer convenablement l’État tchadien, " bénéficiaire " d’un contrat inique ; sous leur pression, la Banque mondiale a cautionné ce projet, malgré ses risques écologiques et les crimes continuels du régime de Déby. Les intérêts des entreprises françaises (Bouygues, Bolloré et autres adjudicataires français de l’oléoduc Tchad-Cameroun) expliqueraient-ils un positionnement français objectivement hostile à l’évolution que la majorité des Tchadiens appellent de leurs vœux ?

Sont occultés dans ce contexte, non seulement les crimes de sang du régime Déby, mais le pillage multiforme de l’État et de l’économie tchadiens, ainsi que les énormes trafics de fausse monnaie pilotés depuis le palais présidentiel.

L’aide annoncée par le ministre de la Coopération Charles Josselin prélude au renouvellement du bail quinquennal du dictateur tchadien.

C’est un cas exemplaire du fonctionnement " en iceberg " de la Françafrique : d’un côté, la face émergée, immaculée, légale des relations franco-africaines prétend financer l’avènement de la démocratie dans les anciennes colonies françaises en fournissant bulletins de vote et urnes transparentes. De l’autre, les réseaux immergés, délinquants, organisent la perpétuation d’un système criminel avec la " coopération " de spécialistes de la fraude électorale. Pour quels " stratèges " français le maintien d’Idriss Déby au pouvoir est-il nécessaire, et dans quel but ? Quels intérêts se dissimulent derrière une opération qui décrédibilise notre pays aux yeux de ses citoyens et de tous les démocrates africains ?

Une telle " stratégie " est symptomatique de la dissimulation des pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de politique africaine.Une telle caricature du dévoiement de l’aide publique au développement, loin de conforter l’évolution de la société tchadienne vers plus de démocratie, va contribuer à légitimer une dictature criminelle et prédatrice. Une telle gestion cynique de la relation franco-africaine ne peut inciter qu’à s’y opposer. Et s’y opposer est l’affaire de tous les citoyens français.

Nous attendons de la France qu’elle cesse enfin toute complicité avec des pouvoirs africains criminels et corrompus dont, à l’aune de ses intérêts économico-stratégiques, elle n’a que trop contribué à installer et prolonger le règne.

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