Ce dimanche 11 avril, Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 1990, se présente à une élection présidentielle dont l’issue ne fait guère de doute. Malgré sa brutalité à l’encontre de toute voix discordante, il bénéficie du soutien inconditionnel de la France. La diplomatie française s’apprête-t-elle à avaliser une fois de plus un scrutin qui tient de la mascarade électorale ?
En lice pour un sixième mandat à la tête du Tchad, Idriss Déby Itno maintient une politique d’intimidation de ses concurrents et de répression féroce de toute contestation. Dans la nuit du 28 février au 1er mars à N’djamena, trois personnes de l’entourage familial de l’opposant Yaya Dillo ont été tuées lorsque les forces de l’ordre ont voulu procéder à son arrestation. La veille, il avait déposé sa candidature à l’élection présidentielle. Depuis, plusieurs opposants ont retiré leur candidature, dénonçant un climat d’insécurité et refusant de cautionner une parodie d’élection. Pourtant leur candidature a été maintenue par la Cour suprême du pays. Les candidats "malgré eux", comme ils se sont nommés, mènent donc une campagne « non-électorale » pour dénoncer ces agissements. En France, peu de voix s’élèvent pour remettre en cause l’appui indéfectible apporté depuis des décennies par la France à ce régime violent et corrompu. A ce titre, les déclarations de Jean-Yves le Drian appelant les autorités tchadiennes à mener au plus vite une enquête impartiale sur cette sanglante tentative d’arrestation[1], ne se sont traduites par aucune pression diplomatique, et ne sont que pure rhétorique.
Compte tenu de la place centrale occupée par le Tchad dans la « guerre contre le terrorisme », ce positionnement n’est guère surprenant. La France s’enorgueillit d’être la patrie des droits de l’Homme mais soutient et arme ceux qui les foulent au pied. Par le biais de formations et de dons, la France soutient les forces de sécurité tchadiennes. Corps supplétif dans la cadre de l’opération Barkhane, l’armée tchadienne est pompeusement présentée comme une « armée de référence ». Pourtant, dans son pays et à l’extérieur, le comportement de cette armée est condamnable. Au début du mois de février déjà, la brutale répression de manifestants dénonçant la présidence à vie du Maréchal Déby n’avait guère ému le Quai d’Orsay, tout comme les innombrables violations des droits humains qui ont ponctué son règne. Depuis, chaque samedi, les manifestant.es sortent et tentent de défiler avant d’être dispersés, entre gaz lacrymogène et arrestations.
Pour Emma Cailleau, porte parole de Survie : « Un nouveau seuil dans la répression et l’impunité a été franchi. Tout est fait pour écraser les voix alternatives. L’opposition tente de se mobiliser pour boycotter les élections dans un climat de pressions intenses. En parallèle, Paris souligne l’importance du Tchad pour la « stabilité » de la région… mais de quelle « stabilité » est-il question ? La France continue de fermer les yeux sur la situation dans le pays, fidèle allié au Sahel, en vertu d’une analyse géostratégique biaisée. La France, par sa coopération militaire et "technique" avec le régime d’Idriss Deby, et par son absence de positionnement clair condamnant les arrestations récentes, se place à nouveau aux côtés d’une dictature qui cherche à prolonger son emprise ».
PS : Pour aller plus loin, vous pouvez consultez le dossier réalisé par l’association survie, Tchad : Une farce électorale en Françafrique : sur ce lien.
[1]RFI, le 3 mars 2021
Contact presse : Mehdi Derradji (+33 6 52 21 15 61) mehdi.derradji@survie.org