Survie

12 associations interpellent les députés et les sénateurs pour établir les responsabilités dans la disparition de M. Saleh et susciter un débat parlementaire sur la politique de la France au Tchad

Publié le 29 septembre 2008

Paris, le 29 septembre 2008

A l’attention des députés et sénateurs français

Objet : établir les responsabilités dans la disparition de M. Saleh (opposant tchadien) et susciter un débat parlementaire sur la politique de la France au Tchad.

Madame, Monsieur,

Lors de l’attaque de la capitale tchadienne en février 2008 par des groupes rebelles, plusieurs membres de l’opposition non armée avaient été enlevés. Le président Nicolas Sarkozy avait alors demandé aux autorités tchadiennes, lors de son déplacement à N’Djamena le 27 février 2008, la mise en place d’une commission d’enquête visant à faire la lumière sur ces événements.

Cette « Commission d’enquête sur les événements survenus en République du Tchad du 28 janvier au 8 février et leurs conséquences » vient de rendre public son rapport le 3 septembre 2008. Selon ce rapport : « Ibni Oumar Mahamat Saleh étant la seule victime à ne pas être réapparue, il est […] permis de penser qu’il serait désormais décédé : soit en succombant aux mauvais traitements qu’il aurait subis, soit en ayant été assassiné. »

Les témoignages recueillis par la Commission « permettent de conclure au-delà de tout doute raisonnable à l’implication de l’Armée Nationale Tchadienne (ANT) » dans la disparition de l’opposant politique [1]. L’enquête n’a toutefois pas permis « d’identifier le ou les commanditaires, auteurs et complices de son arrestation, puis de sa détention, voire de son homicide ». La Commission n’a pas pu auditionner toutes les personnes qu’elle désirait entendre et n’a pas pu obtenir l’ensemble des documents demandés, notamment le listing du parc des pick-up Toyota de l’ANT.

Selon le rapport, « l’impossibilité que cette action soit le fait d’une initiative personnelle d’un quelconque militaire subalterne […] met en évidence l’implication des plus hautes autorités militaires tchadiennes ». Les auteurs du rapport posent ainsi la question du rôle du Chef de l’Etat tchadien dans la chaîne de commandement :

« Si la preuve n’est pas faite de sa participation ou de son instigation, il est toutefois permis de se poser la question suivante : « dans un régime avec une très forte centralisation du pouvoir, un militaire, même de haut rang, pouvait-il, sans l’assentiment du Président de la République, organiser à la fois la disparition des opposants politiques, leur détention et la réapparition dans une enceinte militaire ? (cas de Lol Mahamat Choua) », sachant par ailleurs, que le dimanche 03 février, la Présidence était le seul endroit opérationnel de la capitale où les différentes autorités s’étaient retranchées, aux côtés du Chef de l’Etat ».

Aujourd’hui, comme le rappelle la Commission « seule la volonté de l’Etat tchadien, serait susceptible de permettre la manifestation de la vérité » concernant la disparition de M. Saleh.

Par ailleurs, l’impunité est totale dans les cas passés de disparitions forcées. D’après Amnesty International, les 13 civils et officiers de haut rang qui avaient, par exemple, été arrêtés par les forces de sécurité tchadiennes lors de la précédente offensive des rebelles sur N’Djamena, en avril 2006, ne sont jamais réapparus. Aucun des auteurs et commanditaires de disparitions forcées n’a, à ce jour, été clairement identifié et traduit devant la justice tchadienne.

Le Président Nicolas Sarkozy, principal instigateur de cette Commission, ne peut se satisfaire des questions qui subsistent concernant les responsabilités, au sein de l’Armée Nationale Tchadienne, qui ont entraîné la disparition de M. Saleh.

Le 5 septembre, M.Gaëtan Gorce, député de la Nièvre, et M. Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, ont ainsi écrit à M. Nicolas Sarkozy, président de la République, pour lui demander d’intervenir auprès des autorités tchadiennes afin que toute la lumière soit faite sur les responsabilités qui ont entraîné la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh.

Par le présent courrier, nous vous demandons d’en faire de même et vous prions d’exhorter le Président Nicolas Sarkozy à établir comme une priorité de la politique de la France au Tchad l’identification et la traduction devant la justice des auteurs et commanditaires de la disparition de M. Saleh. D’autre part, compte tenu du rôle de la France et de son armée dans ce pays depuis des années et tout particulièrement au cours des évènements de février 2008, (la Commission d’enquête rapporte ainsi que « le président (M. Idriss Déby) a également fait état de la présence de deux officiers de l’armée française à la Présidence » le jour de l’arrestation des opposants), il apparaît nécessaire qu’un véritable débat parlementaire soit organisé au sein du Parlement sur la présence française au Tchad.

Déjà le 11 mars dernier, certaines de nos associations vous interpellaient sur la nécessité de la création d’une Commission d’enquête parlementaire sur ce sujet. Nous réitérons ici auprès de vous cette demande.

Dans l’espoir que vous relayerez notre appel et que vous vous saisirez de ce dossier, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, à l’expression de notre considération distinguée.

Associations signataires :

  • Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-France)
  • Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme (AEDH)
  • Cedetim/Ipam
  • Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD)
  • Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH)
  • Le Mouvement de la paix
  • Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
  • Peuples Solidaires
  • Réseau Foi et Justice Afrique Europe (Antenne France)
  • Secours Catholique / Caritas France
  • Human Right Watch (HRW)
  • Survie

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[1Plus largement d’ailleurs, le rapport conclut à la responsabilité des militaires de l’Armée Nationale Tchadienne dans les destructions, les viols et d’autres disparitions moins visibles

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