Survie

Dictature héréditaire au Togo : un coup d’État françafricain !

Publié le 7 février 2005

42 ans après avoir assassiné Sylvanus Olympio, père de l’indépendance togolaise, le dictateur togolais a cédé involontairement un siège de tyran qu’il avait promis de céder de son plein gré en 2003.

Durant 4 ans de règne officieux puis 38 ans de règne officiel, l’ancien sergent-chef Gnassingbé Eyadéma, caricature de garde-chiourme néocolonial, a martyrisé et ruiné le Togo. Sa mort de maladie aurait pu laisser place à une élection démocratique. La France semble abonder en ce sens, puisqu’elle a appelé au « respect de la Constitution togolaise »…

Les apparences sont trompeuses. La France tente seulement de faire oublier qu’elle a largement contribué à tout fausser dans le processus constitutionnel, escroqué, et dans un processus démocratique sans cesse bafoué. La seule élection présidentielle à peu près convenable, en 1998, a été largement remportée par Gilchrist Olympio, le fils de Sylvanus… avant que le décompte des voix ne soit repris en main par l’armée - ou plutôt la milice clanique du régime (les rares militaires opposants ont été massacrés dans la foulée du scrutin de 1998). Depuis lors, Paris n’a cessé d’organiser de pseudo-médiations qui ont chaque fois découragé les opposants authentiques, aboutissant au boycott du scrutin législatif de 2002 et à l’élection d’une Assemblée quasi-totalement eyadémiste. Laquelle a voté une révision de la Constitution qui ouvre la voie à l’infinie prolongation de la dictature, en écartant notamment la candidature de l’opposant le plus connu, Gilchrist Olympio, et en laissant le contrôle des opérations électorales entre les mains du régime.

Cela ne devait pas encore être suffisant puisqu’il a fallu une ultime mascarade constitutionnelle pour afficher la continuité monarchique : empêcher le retour au Togo du président de l’Assemblée, constitutionnellement chargé de l’intérim du Président de la République défunt ; faire voter par l’Assemblée la destitution de cet intérimaire ; élire à sa place Faure Eyadéma, le fils du dictateur ; voter en toute hâte une nouvelle révision constitutionnelle qui transforme l’intérim du président de l’Assemblée en un remplacement jusqu’à la fin du mandat du chef de l’État décédé, soit jusqu’en 2008. Entre-temps, le clan Eyadéma aura suffisamment verrouillé la succession pour ne laisser aucune surprise. Faure Eyadéma est âgé de 39 ans. S’il vit autant que son père, les Togolais en ont jusqu’en 2035…

De cela, la France et Jacques Chirac ne sont aucunement innocents. De Gnassingbé Eyadéma, tyran mafieux aux nombreux crimes économiques et politiques, Jacques Chirac a déclaré samedi qu’il était « un ami personnel ». Et « un ami de la France ». La France chiraquienne bénissait en effet la dictature eyadémesque. L’armée milicienne togolaise n’a cessé d’être encadrée par des officiers et instructeurs français. L’évolution de la Constitution togolaise n’a cessé d’être veillée par des juristes françafricains, comme Charles Debbasch ou Pierre Mazeaud. L’argent des phosphates togolais n’a cessé d’alimenter les caisses noires de la Françafrique. Les trafics d’armes du régime Eyadéma, dénoncés par l’ONU, n’ont cessé d’aider les alliés inavouables de la Françafrique, comme Jonas Savimbi ou Charles Taylor.

Alors, il faut le dire haut et fort : rien de ce qui se passe ses jours-ci à Lomé pour maintenir une dictature ubuesque n’est étranger à l’Élysée, qui en est comptable devant l’histoire des peuples togolais et français. Le peuple français, en particulier, se sent insulté quand Jacques Chirac qualifie Gnassingbé Eyadéma d’« ami de la France ». Il ne l’est pas plus que les potentats africains qui livraient leurs frères en esclavage aux riches armateurs de Louis XIV.

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