Survie

Le Togo coupé du monde. Le monde se coupera-t-il du Togo ?

Publié le 25 avril 2005 - Survie

Le Togo coupé du monde. Le monde se coupera-t-il du Togo ?

Le peuple togolais sera-t-il abandonné par la communauté internationale ?

Dans l’après-midi du 24 avril 2005, jour du scrutin présidentiel togolais, les moyens de communication avec le Togo, Internet, téléphone mobile, ont été coupés. On ne peut imaginer signe plus clair de la nécessité pour le pouvoir d’opérer une vaste opération de fraude nocturne pour sortir « vainqueur » des urnes.

Des témoignages de truquage des urnes sont parvenus à Paris dans la journée de dimanche, jusqu’à ce que la possibilité de communiquer avec le Togo ait été coupée. Ce lundi, il n’est possible de joindre que des postes fixes. Grâce à l’un de ces postes, nous savons que des militaires ont envahi des zones favorables à l’opposition, où ils ont brûlé des urnes. Des affrontements ont suivi, faisant 3 morts et des blessés. À la fin de la journée électorale, les forces d’intervention rapide, commandées par le commandant Kadanga, gendre de Gnassingbé Eyadéma, ont chassé les délégués de l’opposition présents dans les bureaux de vote, d’où ils ont emporté les urnes. Ces mêmes forces encadrent la ville. Joint à Lomé, le représentant de Survie qui s’y trouve récuse l’information selon laquelle des jeunes opposants auraient tenté de prendre en otage un bureau de vote. Celui-ci, qui a assisté à la scène, nous informe que ces jeunes n’avaient de souci que la transparence du scrutin.

Contrairement à l’habitude, aucune tendance concernant le résultat du scrutin n’a été publiée. La CENI (Commission électorale nationale indépendante) se charge de regrouper les résultats des urnes. Selon la presse indépendante togolaise, elle serait en train de confectionner un décompte global, dont la date de l’annonce reste inconnue. C’est ce moment qui est celui de tous les dangers.

Une source bien informée signale le truquage du vote anticipé des militaires : majoritairement favorable à l’opposition, ce vote a été rectifié en faveur de Faure Gnassingbé. L’officier qui s’est acquitté de la tâche regretterait de l’avoir fait et se serait mis à l’abri des menaces que ses regrets auraient suscités. Des cars, occupés par des personnes tentant de se faire passer pour des électeurs togolais, ont passé la frontière avec le Niger.

Les jours qui viennent diront toute l’histoire. Sera-t-il trop tard pour « rattraper » un scandale immense ?

Comme lors du scrutin présidentiel de 1998, avec le raz-de-marée en faveur de l’opposant Gilchrist Olympio, le peuple togolais s’est fortement mobilisé pour interrompre la dictature. La société civile (notamment la Ligue togolaise des droits de l’Homme, LTDH) et les églises chrétiennes ont multiplié les observateurs du scrutin dans tout le pays. Ils ont agi avec les moyens dont ils disposent : le courage, la détermination à tourner une page de l’histoire qui les tient en otage, l’espoir que la communauté internationale ne les abandonne pas. Ils ont agit en dépit des exactions et des intimidations du régime du défunt dictateur (dont le fils a hérité), des moyens énormes dont ce régime dispose : finances sans limites, milices, soutiens extérieurs - celui de la France en particulier, et du lâchage de la CEDEAO sous pression française.

Le ministre de l’Intérieur, François Boko, a mis en garde, dans la nuit du 22 avril, contre un « processus électoral suicidaire ». Aussitôt limogé, il s’est réfugié à l’ambassade d’Allemagne, qui ne partage pas la satisfaction française devant ce braquage électoral. Que fera l’Allemagne pour muscler les « préoccupations » de l’Union européenne (UE) face à cette mascarade ? Bailleur de l’envoi d’observateurs du scrutin de la CEDEAO, l’UE serait justifiée à demander des comptes à cette dernière, qui ne semble rien avoir remarqué de particulier. Le Secrétaire général des Nations-unies s’est félicité de l’élection présidentielle togolaise tenue dimanche. Que dira-t-il de ce déni d’établir une démocratie une fois qu’il aura mieux fait le tour de la situation ? Les États-Unis exprimeront-ils plus que leur « trouble » devant ce déni ?

Nous avons appelé le Président de la République à renoncer à soutenir la dictature togolaise. Nous faisons notre deuil d’une réponse en ce sens. Nous nous reportons sur le reste du monde, qu’il fasse mieux que le pays qui n’en finit plus d’oublier qu’il a été perçu comme celui des droits de l’Homme.

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