L’Angolagate est une affaire de vente d’armes par des intermédiaires non autorisés pendant la guerre civile angolaise. C’est aussi une affaire de trafic d’influence, de corruption, de fraude fiscale et d’abus de biens sociaux. Les bénéficiaires en ont été des dirigeants angolais, des banquiers, des hommes d’affaires et politiques français de tous bords. Plus justement, l’Angolagate doit être compris comme une privatisation de la guerre pour satisfaire des intérêts personnels financiers et politiques, par le détournement des ressources angolaises (en milliards d’euros) au détriment du peuple de ce pays. Accessoirement l’argent du contribuable français est mis à contribution pour permettre le fonctionnement de cette « pompe à fric ». L’Angolagate est une illustration de la Françafrique, la politique occulte qui a assuré jusqu’à ce jour la préservation des intérêts diplomatiques et économiques de la France en Afrique.
« La Françafrique » est l’une des facettes les plus sombres de la politique étrangère française, « le plus long scandale de la République », elle dure encore.
L’Angolagate est le procès d’une partie émergée de l’iceberg…
Un peu d’histoire : de la guerre froide à la guerre civile
L’Angola conquiert l’indépendance en 1975, au terme d’une longue lutte de libération et à la faveur de la « révolution des oeillets » au Portugal. Mais le pays est déjà l’objet de conflits entre les grandes puissances. Deux partis s’affrontent par les armes : le MPLA1, soutenu par Cuba et l’Union Soviétique et l’UNITA2, soutenue par les États-unis et l’Afrique du Sud de l’apartheid.
La chute du mur de Berlin vide cependant le conflit de son intérêt stratégique. En 1991 les accords de Bicesse aboutissent à un cessez-le-feu et à l’organisation d’élections.
En 1992 le premier tour de l’élection présidentielle (la première depuis l’indépendance) fait deviner la probable victoire de J.E. Dos Santos, du MPLA, opposé au général Jonas Savimbi de l’UNITA. Refusant le résultat des urnes ce dernier reprend les armes. La guerre civile éclate.
En 1993, Dos Santos ne peut que constater une situation militaire désespérée : 80% du pays est sous contrôle de l’UNITA. Le chef du MPLA lance un appel à l’aide à la communauté internationale. Cette demande se heurte toutefois à l’embargo décrété par l’ONU sur les ventes d’armes à l’Angola, considéré en guerre civile. Dos Santos va alors contacter directement des intermédiaires politiques français.
L’activation des réseaux
Depuis les élections législatives de 1993 François Mitterrand doit composer avec le gouvernement de cohabitation d’Edouard Balladur. Toute intervention de l’Elysée en direction de l’Angola doit donc contourner, en plus de l’embargo, la diplomatie officielle française. Sollicité par Dos Santos, l’ancien expert du Parti Socialiste pour l’Afrique australe, Jean-Bernard Curial, prend contact avec Jean Christophe Mitterrand, ancien responsable de la cellule africaine de l’Élysée. Sur ses bons conseils Curial va entrer en contact avec Pierre Falcone. Ce dernier est un « homme d’affaires » à la tête d’un ensemble de sociétés regroupées sous le nom de Brenco International. Il est par ailleurs simultanément conseiller principal de la SOFREMI (société d’exportation d’équipements de sécurité de police sous le contrôle du ministère de l’intérieur français) et vendeur d’armes bien connu des réseaux militaires et industriels français. Falcone est intéressé. Les intérêts privés sont alors prédominants, mais pas seulement : l’enjeu pour la France en Angola est économique avec une présence de Total importante et l’attribution à venir de l’exploitation des réserves gigantesques du pays ; il reste aussi stratégique : l’Angola, chasse gardée anglo-saxonne, fait de l’ombre au pré-carré françafricain. S’esquisse alors une diplomatie parallèle qui va s’atteler à fournir au régime de Dos Santos un appui en armement en dehors de toute transaction officielle avec l’État français. Les ventes devront donc être réalisées via des sociétés privées et ne pas transiter sur le sol national. Pierre Falcone et la Brenco vont alimenter ce marché, détournant au passage une partie de la richesse du pays. Multiplicité des réseaux, confusion des intérêts privés et politiques : pas de doute l’odeur de la Françafrique plane sur l’Angola.
Voyons en le goût...
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