Exploitations criminelles en Afrique Dossier noir n° 17 d’Agir ici et Survie Agone, 2002, 187 p.
Le saccage des forêts primaires d’Afrique centrale est infiniment plus rapide et radical que ne l’avouent les discours officiels, concertés, des gouvernements africains et de leurs "bailleurs de fonds" occidentaux. Titillés par les mouvements écologistes, les seconds ont fait adopter aux premiers des réglementations politiquement correctes. Souvent impeccables, elles sont censées protéger l’écosystème et la bio-diversité, garantir le « développement durable ». Le résultat est exac-tement inverse.
Ce renversement ne surprendra pas nos lecteurs, auxquels le double langage de la Françafrique est devenu familier. Il s’aggrave avec la montée exponentielle de la criminalité financière mondialisée. La destruction sans frein des forêts primaires est l’un des effets virulents d’une permissivité accrue, celle de diviser et conquérir le monde, de l’allotir en parts de butin. Les paradis fiscaux permettent de contourner toutes les règles, leur argent sale achète en nombre croissant ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi, il peut servir à menacer ou châtier les récalcitrants, déclencher des coups d’État ou des guerres civiles pour installer un pouvoir "compréhensif".
Agir ici et Survie proposent dans ce nouveau "Dossier noir" plusieurs études de cas assez décoiffantes. Arnaud Labrousse (un pseudonyme, on l’aura compris) est ce chercheur indépendant dont les enquêtes au Cameroun aboutirent à la publication d’un précédent Dossier, Le silence de la forêt. Il a poursuivi et approfondi ses recherches sur les impli-cations françaises, dans le détail du foisonnement françafricain : ce terreau corrupteur et corrompu "pourrit" aussi l’un des patrimoines les plus précieux de l’humanité, les forêts primaires subtropicales. L’empire corsafricain des jeux côtoie curieusement l’empire fores-tier des Rougier. Interwood, la parisienne, adore le bois des pays en guerre civile, ce qui "aide" la France à ménager le seigneur de la guerre libérien Charles Taylor. L’ancien ministre de la Coopération Jacques Godfrain se reconvertit dans les transports spéciaux, avec le concours d’un général français jadis très impliqué au Rwanda. Un autre général français s’intéresse à la forêt congolaise. La Libye aussi. Du bois apatride transite par le Cameroun, grâce à Bolloré...
François-Xavier Verschave s’est efforcé de guider le lecteur dans l’entrelacs des connexions mises à jour par l’investigateur courageux. Les Africains lésés et spoliés par un tel saccage, les citoyens du monde scandalisés par ce gâchis mafieux, identifieront mieux ce qu’il s’agit de combattre.