Paris triple son aide budgétaire au Bénin à 4,5 millions d’euros en 2006 [AFP, 28/06]. L’Agence française de développement (AFD) a accordé mercredi une aide de 8,4 milliards de francs CFA (12,8 millions d’euros) à la Centrafrique [AFP, 28/06]. La France consacre un milliard pour développer le secteur privé en Afrique [...] l’aide française au développement, qui était de 4,7 milliards d’euros en 2001, sera de plus de 9 milliards en 2007 [AFP, 19/06]. La France et le Cameroun ont signé le 22 juin un accord de conversion de la dette du Cameroun, envers la France (environ 500 millions d’euros).
En dix jours une véritable pluie d’euros français s’est déversée sur l’Afrique. Il y a certes beaucoup d’effets d’annonce dans ces communiqués. Qui dit "aide" ne dit pas "don". Les aides budgétaires, remboursables, accordées au Bénin (4,5 millions) et à la Centrafrique (12,8 millions), sont destinées à financer le déficit dû, pour le Bénin, à la baisse catastrophique des cours du coton, principale recette du pays et, pour la Centrafrique, à l’état de déliquescence du pays, en proie, aux coups d’État, électoraux ou non, aux rébellions armées et à la disparition de l’appareil d’État, les fonctionnaires n’étant plus payés depuis des mois, tandis que les secteurs forestier ou diamantaire tournent à plein régime, profitant du désordre - à se demander s’ils ne l’entretiennent pas délibérément. Du fait de la gestion du Franc CFA par le trésor français, ces avances budgétaires sont plus que normales. Il n’y a là aucune bienfaisance mais plutôt la conservation d’une zone franc à laquelle la France tient comme à la prunelle de ses yeux. L’investissement français dans le développement du secteur privé - investissement et non cadeau - est destiné à encourager le retour des immigrés dans leur pays d’origine, sous forme de prêts aidés, et à y créer des emplois pour freiner l’émigration. Cette aide prendrait également une forme fiscale, inspirée probablement de la défiscalisation des investissements dans les DOM-TOM. Autant dire qu’elle aidera assez peu l’ouvrier malien à créer une échoppe dans son village, mais beaucoup le milliardaire français ou malien à se faire construire une somptueuse résidence de vacances dans le Sahel. Enfin la superbe remise de dette au Cameroun, même assortie d’un contrat C2D (désendettement-développement), censé instaurer le contrôle d’une fantomatique société civile - alors que la représentation parlementaire camerounaise elle-même n’a aucun pouvoir effectif de contrôler les dépenses de l’État - ira probablement grossir le flot de la corruption d’un gouvernement qui n’a d’existence que pour cela.
Le Quai d’Orsay se gardera bien de dire que la France soutient des régimes pernicieux, pour défendre ses propres intérêts, et le Trésor de révéler le montant des euros qui reviennent à leur point de départ, confortablement grossis par leur virée africaine.
Odile Tobner