Survie soutient ce communiqué de la Plateforme Tournons la page. L’Union européenne a condamné avec raison le coup d’Etat avorté de la mi-mai au Burundi. En refusant de respecter les accords d’Arusha qui lui interdisent un troisième mandat, Pierre Nkurunziza commet lui aussi un coup d’Etat, qui ne dit pas son nom, contre les institutions. Ce coup de force rejeté par les Burundais doit être condamné avec la même fermeté par la communauté internationale.
26 mai 2015 - Après un mois de manifestations et de répression à Bujumbura, le Burundi semble dans l’impasse. La campagne « Tournons la page » et ses membres, vivement préoccupés par la dégradation de la situation politique, sécuritaire et humanitaire au Burundi (en particulier dans la capitale), appellent tous les partenaires de la communauté internationale à agir.
Dans ses conclusions du 18 mai, le conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE condamne avec raison la tentative de coup d’Etat du 13 mai, les actes de violences et le détournement de l’ordre constitutionnel, rappelant l’importance du respect des dispositions de l’Accord de Cotonou en ce qui concerne le respect des droits humains.
Depuis, la situation au Burundi s’est encore dégradée. La destruction des bâtiments des radios privées indépendantes (Radio Publique Africaine, Isanganiro, Bonesha, Renaissance mais également REMA -plutôt pro-gouvernementale-) crée une situation de black-out (renforçant ainsi l’emprise de médias partiaux et favorisant la propagation de rumeurs et de messages de division). Les témoignages concordants se multiplient sur l’existence de dispositifs visant à arrêter, sinon à éliminer, les personnes soupçonnées de s’opposer au troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza. L’évidente porosité entre jeunes Imbonerakure et services de sécurité, faisant d’eux des supplétifs des forces de l’ordre, renforce les craintes de voir se multiplier les exactions. Enfin, de très nombreux témoignages font état de pratiques de tortures, voire d’exécutions extrajudiciaires. Après l’assassinat de Zedi Feruzi, l’un des leaders de la contestation, et de son garde du corps, ce dimanche, le mouvement « Halte au troisième mandat » s’est retiré des négociations entamées sous l’égide de l’ONU. Un mois après le début de la crise politique, l’espoir de voir une solution politique émerger fait place à la terreur.
Même si la société civile du Burundi continue à exprimer son refus catégorique du 3ème mandat du Président Nkurunziza, la mobilisation citoyenne ne pourra à elle seule pousser le Président à reconsidérer sa position. En outre, les menaces sur les leaders entrés en clandestinité ou en fuite à l’étranger grèvent sa capacité à poursuivre une lutte pacifique. L’impasse actuelle risque d’amener le Burundi à une réelle catastrophe politique et humanitaire (à ce jour, les pays voisins accueillent plus de 100.000 réfugiés).
Le report des élections législatives et communales au 2 juin et le maintien de la date de l’élection présidentielle ne constituent pas des garanties pour la tenue d’élections crédibles, libres, transparentes et apaisées.
NOS DEMANDES
Si l’Union européenne et d’autres pays (États-Unis, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni) ont exprimé publiquement leur inquiétude et condamné la démarche du Président Nkurunziza et les violences qui en découlent, il leur faut désormais reconnaître celle-ci pour ce qu’elle est : un coup d’Etat contre les institutions. La France, restée jusqu’ici en retrait, doit sortir de sa réserve, dénoncer publiquement et fermement la volonté de Pierre Nkurunziza de se maintenir et la violence de la répression qui s’abat sur les manifestants.
Les membres de la campagne « Tournons la page » demandent à la France et à l’Union européenne d’en tirer toutes les conséquences :
Définir un régime de sanctions à l’encontre du Président Pierre Nkurunziza et des responsables impliqués dans cette tentative de coup d’Etat contre les institutions (gel et surveillance des avoirs, interdiction de visa, annulation des titres de séjour) pour qu’il renonce à une candidature qui va à l’encontre des Accords d’Arusha et de la Constitution burundaise ; Signifier au gouvernement burundais que tout résultat issu des élections conduites dans les conditions actuelles, et toute réélection du président en exercice, ne sauraient être reconnus ; Favoriser la mise en place d’une mission technique d’observation et de monitoring des violations des droits humains ; Imposer des sanctions et restrictions individuelles et mettre tout en œuvre pour combattre l’impunité de toute personne responsable de violation des droits humains au Burundi ; Définir un régime de sanctions adaptées à l’encontre du gouvernement burundais (suspension des aides sectorielles et des actions de coopération en cours) Assurer un soutien effectif à la société civile burundaise et aux médias indépendants ou d’opposition, et offrir protection (y compris par la délivrance de visa) aux défenseurs des droits humains et à leurs familles menacées.