Les 11 et 12 novembre se tiendra à Malte le sommet de La Valette sur la migration. Au programme pour l’Union européenne : un chantage à l’aide au développement pour sous-traiter la gestion des migrations aux pays africains et parvenir à augmenter les expulsions.
Le sommet de La Valette sur la migration doit rassembler les pays d’Afrique du Nord, de l’Ouest, de l’Est et centrale, ainsi que l’ensemble des pays de l’Union européenne (UE), et des représentants de l’Union africaine, de la CEDEAO et de l’ONU. Cinq domaines sont à l’ordre du jour : remédier aux causes profondes des migrations, organiser les voies de migration légales, renforcer la protection des migrants et demandeurs d’asile, s’attaquer à l’exploitation et la traite des migrants, améliorer la coopération en matière de retour et de réadmission.
Ce sommet fait partie des réponses à la « crise » migratoire que connaît l’UE depuis plusieurs mois, mais il est également présenté comme le prolongement et la suite logique du dialogue UE-Afrique sur les migrations et le développement entamé au début des années 2000. Or depuis dix ans, ce prétendu « dialogue » n’a pas abouti à un meilleur traitement des migrants dans les pays de transit et dans l’UE, ni à une baisse de la mortalité en Méditerranée, ni à plus de paix et de développement dans les pays d’origine ; c’est même tout le contraire. L’UE a plutôt adopté la politique de la carotte : de l’aide au développement pour les pays d’origine et l’encadrement de la migration légale pour les travailleurs qualifiés et la main d’oeuvre saisonnière, en échange d’une coopération des pays d’Afrique pour faciliter les expulsions. Un Fonds d’affectation spéciale pour l’Afrique a d’ores et déjà été mis en place et doté de 1,8 milliards d’euros, sans que ne soit indiqué précisément à quoi cet argent servira, si ce n’est à créer un « partenariat (sic) pour ralentir les flux de migrants d’Afrique et accélérer le retour de ceux qui ne sont pas éligibles à une protection internationale ».
L’UE prétend aujourd’hui vouloir s’attaquer en priorité aux causes des migrations, en contribuant à « établir la paix, la stabilité, et le développement économique », mais refuse toujours de s’interroger sur les conséquences des politiques extérieures de ses Etats membres (interventions armées, pillage des ressources, soutien à des dictateurs) ou sur les pratiques de ses multinationales, et encore moins sur les contradictions entre ses propres politiques (par exemple entre sa politique commerciale libre-échangiste et sa politique de développement).
Enfin, et sûrement le plus important : les nombreux migrants qui arrivent en ce moment en Europe ne viennent pas d’Afrique, principalement, mais du Moyen-Orient, en transitant par la Turquie et l’Europe de l’Est. Convoquer un sommet UE-Afrique pour apporter des solutions à cette situation est donc pour le moins hypocrite. Mais en termes de communication politique, il peut opportunément être ajouté à la liste des mesures mises en œuvre par l’UE depuis le début de la crise migratoire, une liste bien décevante au vu de la situation. Plus d’argent pour les Etats membres qui « accueillent » des migrants, des engagements pour la relocalisation de migrants largement insuffisants (160 000 places, alors que des centaines de milliers de migrants cherchent une protection en Europe), des mises en demeure pour les Etats qui ne respectent pas le droit européen sur l’asile (mais aucune mesure concrète pour améliorer réellement la situation des migrants à Calais par exemple) et la poursuite des vols européens conjoints pour les expulsions (plus de 700 personnes expulsées en septembre et octobre, vers le Nigeria, le Pakistan, le Kosovo, l’Albanie, l’Egypte).
A lire pour plus de détails sur les enjeux de ce sommet : La lettre ouverte au président de la République signée par une trentaine d’associations.